photo par Myriam Lafrenière
Une amie m’a m’a remerciée cette semaine de fister son esprit. Et le mec qui a la plus belle chienne du quartier en a rajouté: » Tu golden shower mes journées grises avec tes articles. »
Je suis choyée.
photo par Myriam Lafrenière
Une amie m’a m’a remerciée cette semaine de fister son esprit. Et le mec qui a la plus belle chienne du quartier en a rajouté: » Tu golden shower mes journées grises avec tes articles. »
Je suis choyée.
Je suis lente pour écrire. Je n’ai pas de raisons. J’ai des journées à chercher des stickers à coller dans mon agenda, des journées à faire des muffins aux carottes qui ne goûtent rien et que les enfants refusent de manger, des journées d’une vidéo de pieuvre qui change de couleur en dormant, des journées à décrire des queues (vous pouvez me demander, c’est un service que j’offre maintenant, la description de vos photos de queues en échange d’argent pour de la vodka), des journées à marcher, à lire, à changer de couleurs de vernir, à commencer un projet, à boire en parlant de commencer un nouveau projet.
Je reste lente pour écrire.
Mais cet automne j’ai participé à deux livres qui sont publiés. J’en suis trop fière. Hustling Verses, une anthologie de poèmes de travailleurs.ses du sexe du monde entier. Et Je suis indestructible, un livre-objet d’art, dans lequel je raconte mon agression sexuelle et l’après-agression sexuelle, et aussi toutes les merdes que je suis prête à faire quand je suis en amour.
Lisez-moi please. J’aime ça venir dans votre tête.
Parfois je parle et je n’écris pas. Ça donne les meilleures soirées. C’était une joie que d’accompagner la journaliste Natalia Wysocka à la première de Hustlers il y a quelques semaines, en compagnie de copines.
Ce que j’aime de cette journaliste de La Presse : quand elle écrit elle ne passe pas son temps à décrire physiquement les personnes qu’elle interview. Personne ne peut deviner le décolleté d’une auteure ou la couleur du rouge sur les lèvres d’une chanteuse sous sa plume. Elle cite. Il n’y a pas de regard ou d’emprise pornifiante sous ses mots et c’est rare que ça arrive. Ce n’est pas grave que ce soit indiqué que je suis peu maquillée ou que mes lèvres sont rouges et que mon chandail est gris et en lainage. Ce n’est pas grave mais ça détourne le propos, que de décrire, ça corrompt la réception de toute œuvre ou opinion.
Enfin bref, Wysocka ne fait pas ça, alors vous ne pouvez même pas deviner à quoi ressemblaient mes copines travailleuses du sexe qui m’ont permis, après le film, de tenter de nouveaux mouvements de stripper, assise sur elles. Nous étions glorieuses en tout cas.
Extraits de l’article : « C’est d’ailleurs l’un des points principaux du film : la solidarité. Que l’on sent émaner du groupe qui nous entoure. De façon nettement moins romancée qu’à l’écran. Là où l’on voit toutes les femmes, dansant autour de l’arbre de Noël, s’offrant des Louboutin, blaguant avec la grand-mère de l’une, haha, vous êtes une coquine, vous aussi, mamie. « Cette scène m’a presque fait pleurer, s’émeut Mélodie. Je trouvais ça trop adorable ! » Désolée, tranche Morgane, mais « ça, c’est fucking pas vrai ». « Ce n’est pas comme ça que ça se passe dans les clubs ! On se fait une, deux amies, mais la dynamique est complètement différente. » Dans les mots d’Alice : « Ce n’est pas une équipe de hockey. »
À lire aussi: un article du site Tits & Sass sur Hustlers
Mon grand-père est mort et pendant que j’écris j’ai des notifications du site web Dreamlover qui poppent sur mon écran Kiara Cole Hookups Before Prom et mon grand-père reste mort quand même.
Je l’ai su parce que je suis allée me prendre une poutine chez Piri-Piri passé 21h. J’ai regardé mes textos. J’en avais un d’une amie. Je prends un chai latte demain en sa compagnie. Je ne l’ai pas vue depuis une semaine. Habituellement je la vois en matinée, quand nous allons porter nos fils à l’école, les deux avec leur trottinette et leurs cheveux rasés par le barbier qui a pignon sur rue. Il avait pignon sur rue mais maintenant il est sur la rue Rosemont, parce que le loyer était trop cher sur la 8e avenue et comme ça il peut avoir la clientèle des écoles secondaires et du cégep. Il s’appelle Mustapha et il a une revue de coupes masculines dans son salon avec David Beckham sur la page couverture et c’est ma revue préférée.
Quand les enfants se font couper la frange ou raser les cheveux, Mustapha leur donne des sucettes. Quand nous passions seulement pour le saluer, il leur en donnait aussi. C’était sur le chemin du retour de l’école. Je faisais exprès de cesser de regarder mon cellulaire pour tenter de l’apercevoir dans son salon, ou sur le trottoir, à fumer une clope.
J’avais aussi un texto de ma mère, qui me demandait si je pouvais être présente pour une cérémonie, ce vendredi. J’ai demandé une grosse poutine au poulet et j’ai contacté ma mère. J’ai dû l’interrompre pour préciser que je voulais de la sauce forte. C’est spécial, parler de la mort et se préoccuper de la sauce forte, et j’ai séché mes larmes avec une serviette brune. Je suis triste mais surtout pour ma mère. Elle avait commencé à ranger la maison de mon grand-père la veille, avec sa sœur, et elle avait mal dormi, à se réveiller sans cesse. Je n’ai pas demandé à quoi elle pensait, en se réveillant. J’ai vraiment pensé un bref instant aux objets qu’il avait accumulés. Je me souviens de son jardin, immense, avec des concombres, des perces-oreilles, des carottes, et un énorme pommier qui surplombait la moitié de la cour.
Je me souviens aussi qu’il ne voulait ni câlins ni baisers et quand il refusait mes câlins, enfant, j’avais ma grand-mère et ma marraine pour se précipiter vers moi et pour m’en donner. C’était tellement exagéré, soudain, chaque fois, que je savais que c’était alarmant.
Mon grand-père ne donnait pas de câlins. Il pointait une arme contre la tempe de ma grand-mère devant tous ses enfants.
J’écris ça et je sais que mes frères vont détester et j’espère que ma mère ne lira pas. C’est horrible m’avoir comme sœur, fille et amie. Je raconte tout. Mes cicatrices. Les hommes qui me laissent des compliments dans ma messagerie Instagram, et qui font pareil avec mes amies, je les raconte, nous nous racontons tout. Ma mère m’avait déjà appelée il y a quelques années, à l’annonce d’un proche qui avait le cancer : « Surtout n’écris pas sur ça. » J’en avais été choquée. J’écris et je parle trop. Je n’ai jamais écrit sur ça. J’avais accepté l’avertissement, après avoir raccroché, virulente. Et mon père, qui a dû supporter tous les commérages, à son travail, quand j’ai raconté que j’avais été escorte et que ça avait fait scandale, dans ma petite ville natale, dans mon Repentigny sans empathie. Tout le monde parlait et il faisait comme si rien n’était. Il ne m’en a jamais parlé non plus. C’est quelqu’un qui m’a dit qu’il avait trouvé mon père fort et digne et je peux le croire. Mais je ne réussis pas non plus à trouver ça moins fort et digne de dire les choses.
J’ai fait tout ce que j’ai raconté. Et mon grand-père avait un jardin, des tatouages, une chambre séparée de celle de ma grand-mère et dans la sienne, il n’y avait pas de mes dessins jusqu’au plafond.
Le jour de l’An avec mes cousins et cousines nous buvions beaucoup de boissons gazeuses dans le sous-sol de mon grand-père. Je n’ai jamais bu ailleurs du Cream Soda et du Crush aux raisins. Ça n’aurait pas goûté pareil.
J’ai envie d’écrire de la poésie de bimbo, de la poésie sur mes copines, sur les filles avec qui je dansais et pleurais à six heures du matin, j’ai envie d’écrire des vers sur mes seins et mes talons qui cassent, sur les doormen qui étaient gentils mais qui devaient m’en vouloir de tomber partout, j’ai envie d’écrire sur les copines que j’ai perdues, sur celles qui sont là, sur celles que je retrouve, pour une prochaine margarita, cette année il n’y a rien que je ne chérisse plus que la loyauté de mes amies, il n’y a rien de plus fort que ces filles qui m’ont entendue dire les pires conneries, les filles qui ne m’en veulent pas trop, les filles qui m’en veulent mais qui m’aiment, les filles qui sont toujours plus belles que moi et que j’adore pour ça, pour ce qu’elles donnent vie autour de moi, en espérant que je sois capable de leur donner un peu plus que du café et des cris d’actrice de film d’horreur.
J’étais hyper heureuse quand la revue Saturne a choisi un de mes poèmes pour leur cycle de risques. Cette revue offre de quoi de nouveau et d’excitant. Découvrez-la.
Juste avant le Nouvel An, Julie Artacho – une personne extraordinaire et pas juste grâce à ses chats, qui sont les plus joliment weird du monde parce qu’ils se prélassent dans une litière comme moi si j’avais l’occasion de sauter dans un lit à baldaquin ayant appartenu à Joséphine Bonaparte – m’a photographiée. C’était pour un projet qu’elle avait nommé Pour un 2019 dans la bienveillance. J’y étais en compagnie de femmes admirables : Marilou Craft, Myriam Daigneault-Roy, Théo Dupuis-Carbonneau et Catherine Éthier.
Je n’ai pas encore réussi à agir avec autant de bienveillance que je voudrais. J’ai un début d’année étrange, très cocon, à veiller sur les miens, à m’emporter parfois et même si je crois que la colère doit être reconnue et pas policée, je crains que la mienne m’éloigne parfois des autres et de moi. J’ai commencé à donner mon attention aux personnes que j’aime. À prendre un café avec une amie que je n’avais pas vue depuis longtemps. À jouer aux cartes avec mes parents. À faire des bricolages vraiment laids avec mes enfants. À jouer dans le sable et à la tag. À sentir les clémentines des marchés extérieurs avant de les déchiqueter avec mes dents.
Je suis en colère et lasse du poids de cette colère et je veux vraiment ça, du doux et de la bienveillance. Je veux pouvoir être en colère et la nommer mais aussi ne pas en être épuisée.
Julie Artacho a récemment ouvert un nouveau studio, la Maison Gisèle. En l’honneur de sa maman. Ça fait vingt ans qu’elle est morte. Et qu’elle existe, dans des souvenirs aléatoires. Pour elle, Julie Artacho continue d’exaucer le souhait ultime de sa maman : « Réalise tes rêves, aie confiance en la vie. »
J’ai un jouet sexuel qui a sa propre page Instagram, grâce à la merveilleuse idée de Bianca Longpré lors de son émission Mère Ordinaire à QUB.
C’est un Chakrub, un objet de cristal, que j’ai finalement baptisé Agnès, tendance tongue-in-cheek, parce que ce prénom signifie « chaste » et « pur. »
C’est un prénom donné aux jeunes filles dont les parents souhaitent qu’elles demeurent vierges jusqu’à la fin des temps ou jusqu’à ce qu’elles soient mariées avec un médecin spécialiste. La petite histoire derrière ce prénom : Agnès, née au 3e siècle à Rome, était courtisée, dès l’âge de douze ans, par un mec, dont elle refusa toute avance car il n’était pas Jésus. Afin de rester vierge et de se donner au promis qu’elle avait choisi, Jésus-Christ, elle alla jusqu’au martyre. Elle est finalement morte décapitée.
Alors bref mon Chakrub s’appelle Agnès, comme la patronne de la pureté corporelle et de la chasteté. Je trouverai le moyen de lui faire vivre plein d’aventures – peut-être pas le déguiser en pogo ou le briser accidentellement – parce qu’il mérite d’être montré. Il est beau et en plus ça ne sert à rien d’être honteux des objets qui nous aident à avoir du plaisir.
Aimée n’aime pas la crème glacée mais elle aime les baleines et changer de couleur de cheveux.
Ce n’est pas suffisant pour dire qui est Aimée, mais c’est le genre de trucs essentiels à noter sur Aimée. C’est aussi ma seule amie de l’université. À l’époque, je portais des nuisettes de chez Urban Outfitters et je lisais déjà ses textes et je dansais avec elle, et danser, c’était très particulier, pour une fille comme moi dont le corps était à moitié à moi et à moitié à un rêve.
J’étais escorte et payée pour être touchée, mais dans les cours de danse tout le monde pouvait me toucher et ce rapport me perturbait. Ça reste, encore, les premières mains, sur moi, dès le premier cours, un souvenir de défi et de douleurs. C’était facile, me déshabiller au vestiaire, écouter les autres filles qui vantaient ma maigreur tout en trouvant désolant mon manque de grâce. J’aurais dû bien danser, avec mes jambes et mes bras et mes seins inexistants. Je n’existais presque pas, je découpais mes jupes en jeans et je mettais des push-up bras et je tombais mieux en talons hauts que je ne dansais. Ce que je faisais de pire – tenter d’apprendre à danser – n’était heureusement pas une activité solitaire.
J’étais avec Aimée.
Aimée n’aime pas la crème glacée et je le sais seulement depuis que je lui ai envoyé un sticker de crème glacée sur Facebook. Aimée écrit aussi des livres pour enfants. Aimée écrit pour tout le monde, pour les filles dont les souvenirs sont brûlés vif, pour les filles qui sont trop pleines de vide, elle écrit pour moi et pour les autres, et quand je la lis, je la découvre chaque fois.
C’est comme un coup. Imprévisible. Je la connais, elle me dit ce qu’elle veut, ce qu’elle ne veut plus, ce qui la rend triste ou fière, devant un plat chez Pacini – Aimée aime aller chez Pacini comme moi, merci Aimée de combler cette envie de bar à pains et de pizza aux crevettes trop cuites – mais quand je la lis, c’est différent. Je prends ses mots en plein cœur, sans l’interrompre, sans l’empêcher de tout dire, il n’y a plus mes histoires, il n’y a plus nos téléphones qui font des bruits de cristal au moindre texto.
Elle vient de publier Monstres Marins et c’est encore plein de coups que je prends direct au coeur. Des coups et des envies de câlins.
Quand je lis quelqu’un, je continue de parler de moi et d’écrire sur moi, et c’est une habitude horrifiante, se sentir concernée par tout et assez intéressante pour répéter inlassablement ce que je suis. En lisant Aimée, pourtant, ça ne me semble pas si mal, ça me permet de créer un lien, entre elle et moi, entre celle qui « revendique mon [son] eyeliner de pétrole » et n’importe qui pouvant s’imaginer comme « une pierre aux facettes beurrées, un vernis écaillé, des morceaux de Rubik’s éparpillés, une veine qui ressort sur le dos de ta main. »
Aimée et moi nous nous connaissons depuis des années, depuis la danse, les cheveux rouges, les chats disparus, les clubs vidéo. Nous avons eu le temps de faire des milliers de vœux. Je ne me souviens plus si elle voulait vraiment un fils qui s’appelle Bowie, mais elle voulait un fils, ou une fille, elle voulait autre chose que « le raz-de-marée de ce qui n’a jamais vu le jour. »
Elle « ne me [se] coupe plus, mais du sang s’échappe derrière moi [elle]. » Il y a l’attente, dans ce recueil, l’attente de l’autre, la continuité de serments qui ne seraient pas que des serments, qui iraient contre la perte ou contre ce qui n’a pas existé, ou « les lambeaux de demain. » Aimée n’est pas seule, mais le semble presque, dans son recueil, où les mots se heurtent parfois au silence, ou plutôt au vide. Incomprise comme la baleine qui l’a inspirée; elle émettait des sons sur une autre fréquences que les autres. Personne ne l’entendait ni ne lui répondait. Aimée a quelqu’un, elle est « le béluga à gogo » d’un « albatros trop chanté. » Elle reste « un musée de mon [son] vivant », spectaculaire, là, pour tout prendre, tout accepter, des marées, du papier cadeau enflammé, mais elle ne gagne pas « au bingo sur le calendrier. »
Elle ne gagne pas. Une femme ne gagne pas, à rester une « championne immaculée. » Une femme a des exigences à respecter. Aimée le sait et l’écrit : il faut être pleine et avoir les eaux qui se répandent, fièrement, pour avoir une succession de bêtes, pour ne jamais vraiment disparaitre, ou il faut s’appliquer à être d’un vide acceptable, d’un vide qui ne gonfle pas faussement, il faut un ventre plat ou des enfants, il faut Bowie et d’autres, il ne faut pas être lourde de coquillages, surtout pas ceux qui sont fêlés, imparfaits, à jeter à la mer.
Il y a peut-être une « fin du monde mais en plus beau », et Aimée est là et ses Monstres Marins aussi. Peut-être que je l’ai lue seulement avec mes souvenirs de corps qui voulait être disséqué : je voulais être comprise et comprendre pourquoi je n’avais rien en moi. J’ai eu quelque chose en moi. Je ne suis pas plus vivante qu’Aimée, mais ses mots me rappellent des absences. Nous ne sommes jamais seules, mais presque, nous sommes dans l’attente de, et il y a les monstres qui veillent.
Maxime Durocher a l’air dix ans plus jeune que son âge et organise parfois des pyjamades dans des hôtels montréalais, avec promesses de pizza et de plaisir. Il est un escorte charismatique, respectueux et il prend souvent la parole comme allié de ses collègues féminines, qui sont plus stigmatisées et criminalisées que lui.
Je ne l’ai jamais entendu dire du mal de quiconque et il garde ses rencontres professionnelles secrètes, comme des joyaux entre lui et la femme qui le convie à passer un bon moment avec elle et du latex.
Sur son site web, il parle de ses services, de son parcours et répond à toutes sortes de questions, comme Is there such a thing as too much foreplay?, What advice would you give men on how to properly worship breasts? et Why is it that men require possession of the remote control?
Récemment il a posé avec mon livre Juicy. C’est pour moi un honneur et je pense que rien ne me rend plus heureuse que lorsqu’une personne dans l’industrie du sexe apprécie mon livre. Deux autres escortes à ma connaissance ont posé avec Juicy et je trouve ça délicieusement adorable, que de retrouver mes mots tout contre la peau de ceux et celles que j’admire le plus au monde.
Je l’ai questionné sur ses choix et habitudes de lecture, parce que parler cul avec un escorte, c’est moins original que de parler de ce qui l’inspire intellectuellement.
Le livre que tu as plus lu et pourquoi: The Eye of the World. Parce que c’est le premier de ma série favorite par mon auteur favori. Robert Jordan décrit une aventure fantastique avec un niveau de détails qui me captive.
Ce que tu lis présentement: Wikipédia, sur l’Égypte ancienne.
Un livre que tu donnes en cadeau: Luttes XXX. Parce que ça décrit tellement bien la lutte pour les droits des travailleuses/eurs du sexe ainsi que son fondement.
Un livre qui t’a fait pleurer: Le Seigneur des anneaux.
Tes habitudes de lecture: Avant de me coucher, juste après ma douche, après mon somnifère et mon antidépresseur. Ça m’aide à me relaxer et à m’assoupir.
J’aime les vulves. Je n’ai pas de tatouage de clitoris – je n’ai pas de tatouage – mais je suis très fière d’un collier que la créatrice Kiève Pauzé m’a offert. Elle a accepté de répondre à quelques questions pour me permettre de mieux comprendre ce qui inspire soudainement l’envie de mouler des vulves en argent.
Quel est le premier bijou que tu as créé?
Un pendentif qui représente un arbre. Ses racines deviennent une pirogue. Sous la pirogue, j’ai placé une perle pour représenter l’eau. Je l’ai fabriqué en m’inspirant du mythe mélanésien de Vanuatu, qui résonne beaucoup chez moi, et chez beaucoup de voyageurs et de grands rêveurs. Le voici:
« Tout homme est tiraillé entre deux besoins. Le besoin de la Pirogue, c’est-à-dire du voyage, de l’arrachement à soi-même, et le besoin de l’Arbre, c’est-à-dire de l’enracinement, de l’identité. Les hommes errent constamment entre ces deux besoins en cédant tantôt à l’un, tantôt à l’autre jusqu’au jour où ils comprennent que c’est avec l’Arbre qu’on fabrique la Pirogue. »
Pourquoi faire une collection Vulva?
J’ai toujours aimé gêner les gens un peu, pas trop, mais juste assez pour piquer leur curiosité et déclencher une conversation. J’aime que les gens sortent de leur confort et puissent parler de tout et de rien sans avoir à en être timide. Et quand je parle de gens, je parle de moi-même aussi bien sûr.
Avec ma collection, il y a tant de choses à apprendre et à connaître, la vulve représente tellement de sujets variés, et j’aime qu’elle ouvre parfois des portes à de telles conversations avec des gens dont tu ne discuterais jamais de ça!
Quand j’ai fabriqué ma première vulve, je l’avais faite pour moi. Elle représentait tellement de choses pour moi. Je suis devenue maman environ un an avant de créer ma collection Vulva. C’était durant ma grossesse que je me suis sentie le plus connectée à la femme en moi. C’est comme cela que je l’ai vécu, mais je sais que plein de personnes se sentent connectées à un autre moment qu’une grossesse. J’ai trouvé mon corps divin, magique. Je voyais mon utérus comme un endroit magique, et la vulve, l’entrée – et la sortie – sacrée.
J’ai rapidement fait un lien entre la vulve et la maternité, mais pas que la maternité comme création, non. La maternité dont on a peur de parler aussi: les avortements, les fausses couches, les pertes de grossesse, les adoptions…J’ai commencé à voir les femmes différemment – mamans ou non. La vulve a commencé à représenter une force très puissante pour moi. Je crois profondément que les femmes sont remplies de magie et qu’elles peuvent changer le monde.
Que signifient les noms que tu as donné à tes oeuvres de la collection vulve? Est-ce qu’ils viennent de femmes dont tu es proche?
Exactement! Les cinq pièces de la collection ont les noms de femmes pour qui j’ai beaucoup de respect et d’amour. J’ai aussi choisi ces cinq femmes car elles sont toutes différentes l’une de l’autre. Maya étant une femme forte et indépendante, Alicia étant une femme honnête et directe, Violaine étant une femme libre et optimiste, Émilie, une femme douce et intuitive, et Audrée, une femme enracinée et décidée. J’ai la chance d’être entourée de tellement de femmes incroyables, je pourrais nommer une cinquantaine de vulves, mais bon, pour l’instant je n’en propose que cinq.
Comment voudrais-tu qu’on parle de la vulve au quotidien? Qu’est-ce qui manque présentement pour que la vulve, les femmes et leur pouvoir soient respectées?
J’aimerais que les discussions soient plus ouvertes et honnêtes, toutes les discussions qui visent la vulve, le clitoris, le vagin, les menstruations, la masturbation, le consentement, le sexe, l’orientation sexuelle, la grossesse, l’avortement, les fausses couches, les décès périnataux, ainsi que les droits des femmes à travers le monde, leurs statuts sociaux, économiques, religieux…
Je crois que nous devons vraiment éduquer les jeunes filles à devenir des femmes qui ont confiance en elles-mêmes, en leur pouvoir. Je crois que nous vivons dans une société où les jeunes filles sont trop facilement rabaissées. Elles ne voient alors pas leur juste valeur. Nous sommes chanceuses d’avoir des guerrières qui abordent plusieurs sujets d’inégalité chez les femmes, mais je crois vraiment que nous devons créer une génération entière de femmes puissantes et audacieuses. Nous sommes toujours plus fortes à plusieurs…Imagine une armée de femmes qui ont confiance en elles-mêmes et qui se soutiennent!
Tes créations ont une forte symbolique. Qu’est-ce qui est important pour toi de passer comme message à travers tes oeuvres?
Que nous sommes tous « assez ». Chacun d’entre nous, peu importe notre sexe, notre orientation, notre ethnicité, notre religion, notre âge, notre salaire. Apprenons non seulement à se tolérer et s’accepter, mais cherchons également à se comprendre. C’est la chose la plus difficile à accomplir, se faire comprendre. J’ai rencontré des gens qui ne comprennent pas pourquoi je porte une vulve à mon cou, une vulve dans mon oreille, mais ils cherchent à comprendre…Et quand on commence à chercher à comprendre…c’est le début de tout!
Tu dis être inspirée par les mythes et histoires. Qu’est-ce qui t’inspire le plus présentement comme histoire?
Ma dernière pièce est le cordon ombilical de mon fils. Cette pièce représente bien mon histoire préférée: comment est venu au monde cette petite personne magique. C’est pour moi la plus grande histoire d’amour au monde. Je crois que toutes les mamans comprennent bien cette histoire-là, même si, pour chacune, l’histoire est différente. C’est pour ça que je cherche à rendre éternelle la forme de ce qui a connecté maman et bébé durant la grossesse.