



Il y a un mois, pendant une sieste de Mini Fée, je regardais les milliers de photos que j’ai prises d’elle, pour en décorer le chalet, à son anniversaire. Des photos d’elle couchée sur un de mes foulards marins, des photos d’elle qui pose dans le lave-vaisselle – c’est son endroit de prédilection -, des photos d’elle déguisée en petite fraise, des photos d’elle qui rigole avec une peluche éléphant dans les bras ou du papier de toilette déroulé sur le plancher.
Je sais que je ne suis pas la seule maman qui regarde des photos de son enfant quand il dort.
J’en ai choisies une trentaine, que j’ai installées sur une corde à fanions jaunes et roses, après avoir gonflé des ballons, cuisiné des cupcakes avec des paillettes de chocolat, et m’être promenée partout au chalet avec une tasse de café tiède dans les mains, attendant le retour du marché de mon chéri et de Mini Fée et l’arrivée des quelques invités. J’ai enfilé une robe de la même couleur que les Skittles que j’avais versés dans des bols à banana split.
Quand j’ai pris ma petite fille dans mes bras, elle avait la tête qui dodelinait, mollement, contre mon épaule. Elle n’était pas tout à fait réveillée. J’ai laissé Alexandre Le Grand ranger les tomates, les croustilles au sel de mer, le café filtre, le rosé et les litres d’eau. J’ai regretté de ne pas avoir fait la sieste avec elle. Je savais que mes parents observeraient mes cernes. J’avais oublié mon cache-cernes préféré à l’appartement. Ils verraient aussi que ma robe est plus serrée qu’au mois de juillet quand je l’avais mise pour sortir avec Alexandre Le Grand et qu’ils gardaient Mini Fée, ils s’inquiéteraient, même s’ils savent que Mini Fée est adorable et que je suis heureuse malgré toutes mes tenues tachées de morceaux d’avocats.
Mini Fée portait une jolie robe en denim, mais après avoir mangé un cupcake pour la première fois, j’ai dû la changer. Je n’ai pas touché au glaçage au chocolat qui imprégnait ses sourcils de rouquine.
Je ne m’attendais pas à avoir une fille. Je m’étais persuadée que j’avais un garçon, dans mon ventre, j’espérais peut-être que ce serait plus facile, comme ça, avec mes belles-filles, qu’elles ne seraient pas jalouse d’un petit prince, mais qu’elles le seraient sans doute d’une princesse. J’étais sous le choc, quand une infirmière m’a dit que j’avais une fille en moi. Je ne voulais pas pleurer, je n’étais pas triste et je ne voulais pas avoir l’air triste, mais je retenais mes larmes, je serrais fort la main d’Alexandre Le Grand, puis je ne la serrais plus, j’étais toute seule avec toi, dans ce moment-là, ce moment où je ne savais pas quoi penser.
J’avais peur de ne pas être une bonne maman parce que je ne saurais pas comment être un modèle pour toi. Avec un garçon, j’aurais su me rouler dans le sable, jouer au chevalier et au super-héros, me battre avec des oreillers ou des branches d’arbres, me fâcher, rigoler, avoir les cheveux sales et manger des jujubes en forme de serpents venimeux au goûter. Je savais que je pouvais faire tout ça avec toi, aussi, mais en plus de faire tout ça, de manger des jujubes et de collectionner les branches d’arbres pour jouer, je me devais d’accepter d’être un modèle de fille pour ma fille. Même si parfois, je trouve ça dur et injuste, être une fille.
Je t’aime. Ton premier anniversaire s’est déroulé comme dans un conte, avec une heure de dodo très avancée, des spaghettis dans tous les recoins du chalet, une poupée à bercer, une pouliche à monter, des câlins, et je n’ai même pas pleuré, il me semble.
Ce n’est pas moi qui te montre tout ce qui est possible d’être, d’exaucer et de faire, quand on naît fille, c’est toi, qui me le montre, tous les jours, dès que tu me demandes auprès de toi, et que nous passons les premières minutes de chaque journée collée-collée, dans mes draps, ma main sur ton ventre tout chaud, ta main à toi qui cherche soit mon nez, soit la montre de ton papa.