Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.
Avant elle habitait à moins de deux minutes de chez moi.
Nous aurions pu nous souffler des baisers avant de dormir. Nous aurions pu boire un café ensemble tous les jours. Nous aurions pu promener son chien dans les ruelles de Rosemont, nous aurions pu projeter de faire des murales ou de vendre de la limonade, nous aurions pu courir avec des sucettes plein les poches, convaincre mes enfants que nous étions des sorcières wicca, commencer une fanfare pour terminer tout ça par une partie de Pac-Man à la Succursale.
Je regrette, et je regrette si peu de choses, mais je regrette de ne pas avoir dessiné un cœur sur sa main, de ne pas lui avoir emprunté son fer à friser, et Marilyne, elle ne m’en veut pas, mais je suis sûre qu’elle aussi, elle nous aurait imaginé offrir de la limonade au gérant du Gariépy.
Elle a déménagé, un cœur brisé, éclaté contre les murs de son appartement, en petits morceaux, il l’avait frappée, son amoureux l’avait frappée et elle en avait les marques autour du cou et ailleurs.
Quand je l’ai revue, c’était à mon anniversaire. Elle était à côté de moi, à table, je venais de coucher les enfants, ou j’en avais un sur les genoux. Marilyne a parlé de son ventre vide. Elle était certaine qu’il resterait vide, et elle ne l’avait pas voulu ainsi, elle l’avait imaginé avec des batailles entre jumeaux, occupé, elle avait imaginée son ventre plein, ou au moins sa maison.
Elle aurait eu une maison et six enfants. Des enfants qu’elle aurait portés ou des enfants qui ont besoin d’une famille d’accueil, les enfants ont besoin d’une Marilyne, d’une femme-fée, capable de raconter des histoires de rue très sombre, et des histoires lumineuses de glace à la noix de coco.
Mais pas de girafe, elle n’aime pas les girafes.
À mon anniversaire, elle parlait qu’elle savait, qu’il resterait vide, son ventre, et qu’elle apprenait à l’accepter. Elle n’avait pas l’air triste. Elle avait ving-cinq ans, je crois, et elle n’était pas triste, elle avait l’air étrangement certaine de tout ça, que ça ne se reproduirait pas, de trouver un homme qu’elle aimerait et qui l’aimerait et qui se laisserait aimer, aimer assez pour avoir les mêmes rêves et les mêmes joies qu’elle.
Quelques années ont passé, Marilyne a toujours un tatouage qui n’est pas terminé.
Elle a aussi une myrtille dans son ventre.