Posts Tagged ‘littérature’

Être toujours à part

décembre 3, 2019

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nous avons l’air pudiques parce que les putes sont pudiques aussi 

Lire Emma Becker ce n’est pas que s’arrêter aux photos d’elle sur Google Images. Ce n’est pas non plus croire qu’elle écrit pour que tout le monde fasse comme elle ou se fasse tatouer le mot pute contre le cœur ou autour de l’annulaire.

J’ai rencontré Emma Becker – Emma Becker, pas « Emma », pas « Justine », je ne me permettrais pas de l’appeler par son prénom comme sur un plateau télé quand elle vouvoie et croise les bras – samedi matin. C’est pour un projet en compagnie d’une journaliste que j’admire et qui garde de ses lectures des passages étoilés et des questions toujours intéressantes. Moi je suis celle qui demande « quel type de mec tu choisirais de payer pour baiser? » J’exagère. Enfin.

Avant de la rencontrer je l’ai lue. Je n’ai pas lu ses premiers livres. J’ai lu des entrevues, dans lesquelles elle parlait des auteurs qu’elle aimait, de bordels aussi, elle parlait déjà de bordels il y a près de dix ans. Du corps. Du désir. Je lirai ses premiers livres. J’ai lu son troisième, La Maison, contrairement à plein de gens qui en parlent, en se vantant presque de ne pas l’avoir lu.

Dans La Maison elle parle de la facilité, de ce concept faussé que les personnes empruntent pour débattre des escortes, comme si elles n’étaient que des corps vaniteux, couchés sur du satin, à attendre les coups de bite et les billets. La facilité, « c’est le mot qu’utilisent les autres, ceux qui ignorent s’il est facile ou non de baiser six fois par jour, de sucer autant de queues et de le faire bien, avec le sourire, sans coup de dent maladroit, sans un soupir d’impatience. »

Alors que sur les réseaux sociaux des autrices revendiquent une littérature qui devraient préserver les jeunes filles de toute envie autre que des brownies et croient qu’Emma Becker a écrit un livre romantique sur la prostitution, Becker décrit la séance d’un mec qui répand sa merde quand il se fait pegger et fait dire à un de ses personnages que « le problème avec ce métier, c’est qu’au bout d’un moment, ton corps ne sait plus quand tu fais semblant et quand tu sens vraiment quelque chose. »

Elle décrit les limites du corps et appelle les lecteurs à tester leurs propres limites quant à la morale et à ce qu’ils aiment. Peut-être qu’ils n’aiment pas baiser. Peut-être qu’ils ne peuvent pas comprendre que des femmes puissent vouloir baiser dans un cadre différent que celui d’un souper au restaurant suivi d’une invitation à prendre un faux café dans un appartement. « Ce métier en appelle à la capacité des femmes à perdre leurs repères et à les retrouver tels qu’ils étaient à la même place. »

Quand j’ai rencontré Emma Becker, elle m’a parlé de l’absence de compétition dans un bordel, de cette bienveillance entre filles, de cette chair qui, peu importe l’âge ou le poids, peut faire bander. En France, alors que des féministes lui disent que sa chatte ne lui appartient plus parce que trop de mecs y ont giclé et qu’elles tentent d’empêcher les passages de Becker hors du lit – parce que les putes, il faut les faire taire et attendre qu’elles meurent, pour parler à leur place, il faut leur inventer des traumatismes d’enfance et une détresse liée au foutre dans leurs cheveux – et au Québec, alors que ce sont Julie Snyder, Sylvie Payette, Evelyne Gauthier et d’autres qui osent remettre en question ce que Becker a écrit, qui osent dire qu’elle invente peut-être tout, je trouve pénible ce sentiment que des femmes en oppressent d’autres.

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Je n’aime pas écrire contre des femmes – quand une réalisatrice a publié l’an dernier la photo de masseuses sur Twitter en demandant aux policiers d’intervenir, j’en ai parlé, sans mettre son nom, même si elle mettait en danger la dignité des travailleuses du sexe, même si elle traçait une ligne de rupture entre elle et ces personnes qui boivent du Orange Crush entre deux clients à masser. Je n’ai pas cette même retenue envers les hommes. Je ne dois rien aux hommes. Ça me brise, de voir des femmes qui préfèrent croire qu’elles sont au-dessus de ça – au-dessus de ce besoin d’avoir de l’argent pour des croissants, des albums à colorier, le loyer, des études, un psychologue pour un enfant.

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Quand Emma Becker parle de travail du sexe, elle parle de temps. Elle n’a jamais dit que c’était un travail comme un autre – même si Julie Snyder, à Tout le monde en parle, le visage en catastrophe, a décidé de rester à l’image d’usine, elle, qui, productrice et animatrice, place des femmes en série et robe, derrière des valises, silencieuses, jusqu’à ce qu’un homme leur donne des ordres, elle, qui, productrice, invite à donner des illusions d’amour pour un condo et des voyages.

Emma Becker l’écrit : « Ça n’a rien d’un métier comme les autres que de louer cette partie-là de notre corps ainsi que cette intimité si large, si vague. Il suffit, pour en avoir le cœur net, d’imaginer la mine contrite de l’employé de banque auquel on répondrait « pute » à la question Que faites-vous dans la vie? On peut être aussi fortes et convaincues qu’on veut, ce n’est pas rien d’être toujours à part. Nul besoin des autres pour le sentir, mais les autres ne se privent pas de le faire savoir. »

J’aime mieux le mauvais sexe que le mauvais usage du mot vagin

février 19, 2018

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Quand Chantal Guy de La Presse m’a contactée pour discuter bonnes et mauvaises scènes de sexe, j’étais très heureuse. Nous avons parlé ensemble de l’anus chocolaté et de l’ennui trouvé dans 50 Shades of Gray, des noms de fruits utilisés pour remplacer le mot vulve style j’ai pénétré son pamplemousse juteux.

Elle a aussi questionné l’auteur Jean-Simon Desrochers, dont j’aime beaucoup beaucoup l’oeuvre. C’est à lire ici.

Pour moi, une bonne scène de sexe n’est pas obligée d’être décrite d’un point de vue du corps ou des sensations du corps. On peut parler de la couleur des murs, du drap qui se défait ou qu’il faut laver bientôt, des miettes de croissants, des sentiments – ou absence de sentiments – qu’on a pour l’autre personne. On peut parler de trucs pas excitants aussi, sans que ce soit une scène de mauvais sexe, on peut parler de transpiration, de coiffure qui fout le camp, d’un condom difficile à mettre, d’une frustration quand le cunni est mauvais et qu’on en rêvait depuis trois heures. Les crampes et le sang ne me font pas décrocher – en tout cas moins que si j’ai l’impression qu’un auteur se branle en écrivant une scène lesbienne et se trompe entre le mot vagin et vulve.

Miss Teen America qui vire pornstar

août 29, 2017

JUICY

Le moment le plus beau de septembre arrive bientôt : mon roman Juicy – mon premier roman! – sera en librairie.

C’est un livre qui se veut une parodie pornographique des fameux romans Harlequin. Parodie pornographique avec sauce à cheeseburgers, tequila, trips à trois, drogues qu’on cache comme du sucre à glacer.

Faites-moi mouiller. Achetez-le, lisez-le et racontez-moi s’il vous a donné envie de vous crosser ou de vous acheter un cheval blanc.

Le résumé:

Une gentille blondinette californienne remporte le concours de Miss Teen America. Son diadème lui semble aussi important que son hymen jusqu’à ce qu’elle tombe amoureuse de Gary T-Rex, un chanteur populaire moustachu et has-been. La célébrité, la crystal meth et les vibrateurs lui feront vite oublier ses rêves de paix dans le monde…

Juicy est une histoire d’amour pornographique, un roman Harlequin pour ceux qui préfèrent mélanger mouille et vodka plutôt que se balader sur un cheval blanc au coucher du soleil – parce que, de tous les artifices, ce n’est pas le silicone qu’il faut craindre, mais les promesses d’amour éternel.

PARIS APPROUVE

Le plus beau roman d’amour de tous les romans d’amour

novembre 12, 2016

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Avant de lire Victor-Lévy Beaulieu pour la première fois à l’université, je liais cet auteur, ce monstre et génie de la littérature à des séries télé que je n’écoutais pas.

La saga des Beauchemin, elle, est plus que marquante. J’ai lu Don Quichotte de la Démanche pendant un chiffre de webcam. J’étais en lingerie sur un divan-lit et je lisais Victor-Lévy Beaulieu, payée 13,75$ l’heure, en attente de clients qui voudraient se branler devant leur ordi.

C’est le plus beau roman d’amour de tous les romans d’amour.

Je l’avais emprunté à la bibliothèque et jamais relu, puis je l’ai trouvé, dans un bazar, comme un trésor, entre des Mary Higgins Clark et des Paulo Coelho.

Je n’ai pas aimé étudier en littérature, sauf pour quelques rencontres que j’ai faites – comme le poète souverainiste à la queue la plus grosse de l’université et la ballerine/danseuse de baladi/auteure jeunesse/maman d’un bouvier bernois/amoureuse de David Bowie – et pour ce prof qui m’a fait lire des Victor-Lévy Beaulieu, et qui acceptait, en guise de travaux à remettre, que je raconte en mille cinq cent mots pourquoi j’étais fascinée par les danseuses nues.

Extrait de Don Quichotte de la Démanche: “Je suis à bout, ne croyant plus à rien, incapable même de forcer le réel à se produire, c’est-à-dire de l’inventer, ce qui serait ma seule porte de sortie et l’échappatoire ultime, cette déraison assumée qui me ferait tout autre, meilleur que je ne suis, grand seigneur de mes terres, maître de ce domaine que j’étais en train de construire avec Judith mais dont il ne reste plus maintenant que la parabole, que cette liquide ivresse dans laquelle il faudra bien que je me fonde et me corrompe, tout mutilé dans mon intérieur, inconsistant et inconséquent, lâche, si dérisoirement lâche, ô ma Judith!”

Milan Kundera, son amour de l’anus, etcetera

juin 4, 2013

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J’adore ce projet de 100 livres qui devraient être écrits asap. Rigolo et songé.

(OMG et ça n’a pas rapport mais je viens seulement de m’apercevoir que New York ne s’écrit pas avec un trait d’union. J’ai honte.)