Chère Mini Fée,
Tu as presque quinze mois, les cheveux encore si courts et si roux, je t’imagine dans deux ou trois ans, avec à peine la coupe de Twiggy, tu seras superbe, avec tes grands yeux bleus, toujours tournés vers les autres, qu’ils mangent un club sandwich à côté de toi chez Œuf et Bœuf ou qu’ils te montrent des livres d’images à Limasson.
Tu me fais pleurer parfois. Tu me mords un sein, sans faire exprès, dans le noir, j’en pleure, de fatigue et de douleur. Je te fais pleurer aussi, quand je tente de te coucher à nouveau dans ton lit, tu ne l’aimes plus, tu ne veux qu’être avec moi et ton papa, dans nos couvertures, entre nos oreillers, avec ta doudou panda et mes cheveux dans tes mains.
C’est si facile d’être ta maman, de faire des piques-niques dans le salon, de te mettre des tuques roses et des leggings à motifs de flocons de neige, de te dire non quand tu lances tes croquettes aux crevettes par terre, de te dire non juste parce qu’il faut bien dire non, parfois, même si je m’en fouette, des croquettes aux crevettes sur le plancher de bois, si facile de t’embrasser, de t’applaudir quand tu te balances super vite sur ton poney, de rigoler quand je te trouve, cachée derrière une porte ou le visage sous ta doudou panda. Et parfois je me trouve nulle, quand tu pleures, quand je n’arrive pas à te comprendre, quand je suis fatiguée et que je me couche sur le canapé, espérant que tu mangeras ta collation sans venir soulever mon chandail. Je trouve ça difficile, être une bonne maman, et être une mauvaise maman. Je t’aime mon trésor en sucre d’orge, ma princesse à la tache magique dans le cou, ma fée au sourire plus merveilleux qu’un bol de Froot Loops. Je t’aime, mais parfois je veux juste dormir, trois heures, quatre heures, sans avoir à me retourner et à te donner le sein, sans avoir à te rassurer, j’ai besoin de me rassurer, moi, de me dire que je ne suis pas si mauvaise, de me dire que tu n’as pas si peur, de me dire que tu m’aimes quand même, même quand je pleure et que tu pleures.
J’ai envie de retourner sur la plage avec toi, d’écrire ton nom à l’aide d’une roche ou d’un coquillage partout sur la plage, ou d’acheter des marqueurs et d’écrire dans la neige, au parc, dans la cour, sur la voiture de papa, ton nom avec un cœur à côté.
J’aimerais ça être plus forte, noter tout ce que tu fais, chaque jour, les collations que tu manges dans le lave-vaisselle, ta tête, que tu penches, en charmant tout le monde, ton sourire quand tu vois les autres enfants au parc, le parapluie que je veux t’acheter, un parapluie même si ce n’est pas la saison, juste parce qu’il y a des cupcakes dessus. J’aime être ta maman, j’aime ramasser tes jouets, aller acheter une chocolatine le matin, après m’être lavée rapidement les dents, coller contre ta joue ta sacoche en fausse fourrure blanche, j’aime sentir que ma vie n’est plus la même et qu’elle est mieux comme ça, avec les heures à chantonner du Félix Leclerc, à te couper des morceaux de carottes, à t’appliquer de la crème sur le visage, de la crème qui sent si bon, mais moins que ta peau, moins que ta sueur, moins que tes bisous à la confiture de fraises.
Tu es magnifique, en pyjama ou en skinny jeans coloré, dans le bain les cheveux mouillés, ou quand tu feuillettes un livre, si concentrée, à un mètre de mois, tu es toujours magnifique, et je sais que tu ne pleureras pas toujours pour dormir avec moi, et que ta chaleur me manquera, un jour, à deux heures du matin, ta chaleur de petite fille de bientôt quinze mois, je sais aussi que je ne serai pas toujours trop fatiguée, mais je serai toujours ta maman et je te chuchoterai des je t’aime, mille je t’aime, et je te l’écrirai aussi, toujours.