Archive for mars 2016

Pénis mou ou poissons vivants?

mars 29, 2016

ass eating

Je suis sortie pour acheter des avocats et des mûres et je croise une voisine avec qui je veux boire une bouteille de vin depuis un siècle.

Je lui souhaite un joyeux anniversaire, nous nous embrassons et commençons à parler de pénis sur un trottoir de la rue Masson.

manger 2

-Le monde est vraiment hypocrite. En Allemagne, c’est bien, et au Japon ils sont vraiment ouverts, mais parfois c’est juste trop weird.

Je n’ai jamais vraiment réussi à bien saisir la sexualité au Japon. Ce que j’en sais, c’est qu’il y a des love hotel, un gros taux de suicide parce que les gens travaillent plus qu’ils ne baisent, des femmes avec des pubis poilus, des sex toys fascinants et angoissants et des restaurants où les clients peuvent grignoter la raie des fesses de beautés fatales.

Je demande à ma voisine, une fille sublime surnommée Madonna par ma fille, qui, elle, est Lady Gaga, de me dire ce qui pour elle est trop weird.

manger de la nourriture vivante

– Ils doivent s’ennuyer à un moment donné tellement tout est extrême. Genre ils mangent des poissons vivants. Ça leur colle sur les joues et tout. Alors une fille qui se ramasse devant un pénis tout mou, qu’est-ce que tu veux qu’elle fasse ? C’est pas impressionnant.

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Et ma voisine, qui est scandaleusement expressive, me mime l’art de manger des poissons vivants et l’art de branler un pénis non circoncis.

Si c’était possible, je voudrais la croiser tous les matins, elle me rend plus souriante que deux heures de sommeil en extra et plus vivante qu’un espresso.

Mes cocos

mars 28, 2016

décolleté de Pâques

Mon mec a demandé à un de ses amis s’il voulait voir mes cocos.

Notre fille de quatre ans nous a surpris en disant que mes cocos, c’était des seins. Oups.

Je ne sais plus si nous continuerons à faire des blagues plates sur mon anatomie devant elle.

Joyeuses Pâques y’all !

Pleurer ou envoyer une photo de soi en bikini: rien de contradictoire après une agression sexuelle

mars 25, 2016
Est-ce que je suis une victim de viol parfait? Non. Parce que rien n'indique tout le mal que j'ai subi, sur cette photo. Ce n'est pas écrit sur mon front. Et je suis capable de sourire. C'est pas honteux.

Est-ce que je suis une victime de viol parfaite? Non. Parce que rien n’indique tout le mal que j’ai subi, sur cette photo. Ce n’est pas écrit sur mon front. Et je suis capable de sourire. C’est pas honteux, de pas rentrer dans le faux concept de la victime parfaite.

Grâce à des victimes contactées via le site Je Suis Indestructible, j’ai écrit une chronique pour Canoë sur la force des victimes d’agressions sexuelles. J’en avais assez de lire sur le talent des avocates de Ghomeshi, assez de lire sur une future carrière pour lui, sur les contradictions dans le discours des plaignantes.

Le parcours de victimes d’agressions sexuelles ne suit pas un modèle préétabli. Je voulais montrer ça, à travers les différents témoignages, je voulais montrer que certaines victimes se sauvent, pleurent, hurlent, et d’autres continuent à aimer l’agresseur et l’invite à leur anniversaire ou à un pique-nique.

Par contraintes d’espace, je n’ai pas pu réécrire tous les témoignages reçus dans ma chronique pour Canoë. Je reproduis ici les témoignages qui ne sont pas dans ma chronique.

Je suis très très touchée par la confiance de ces survivantes et survivants. Merci.

Coralie

Coralie n’a jamais dénoncé son agresseur. Elle le connait depuis longtemps. Elle croit que le mal qu’il lui a fait est moins pire que le mal imposé à sa femme et à ses enfants s’ils apprennaient ce que son agresseur lui a fait.

Elle s’en sort bien parfois, mais juge que d’autres fois, elle craque, ébranlée, se demandant si quelqu’un en qui elle avait confiance l’a violée, que pourraient lui faire des étrangers?

« Le plus dur, c’est la nuit. »

La nuit, Coralie perd le contrôle. Les images de l’agression se succèdent, comme des diaporamas en accéléré.

« Comme dans un film muet, ma bouche, mais aucun son n’en sort. Je voudrais crier, appeler à l’aide, mais je hurle juste du silence. Je suis immobilisée, mais pourtant je me bats, Dieu que je me bats. »

Quand elle se réveille véritablement, elle est en mode panique, les joues salées. Elle souhaite toujours qu’on lui dise que c’est juste un mauvais rêve.

« Le temps arrange les choses. J’ai commencé à en parler à une amie de confiance. Elle a pleuré, j’ai pleuré. J’ai un ami qui vient me rejoindre la nuit quand la panique est trop forte. Il est rassurant. Ces deux personnes ont chassé le mot coupable de mon esprit. Victime est le bon mot. »

Coralie sait qu’elle ira bien, un jour.

Félicité

Après s’être faite violée, Félicité a nié ce qu’elle avait vécu. Elle ne voulait pas se concevoir comme une victime. Elle est colère, depuis, en colère contre elle, contre l’agresseur, contre la Terre entière.

Mélina

Mélina ne se souvient pas de l’heure de l’agression. Il était assez tard, ou très tôt. Le soleil commençait à se lever. Ce dont elle se souvient, c’est qu’elle est sortie d’un immeuble. Elle s’est assise dans les escaliers et elle a commencé à pleurer.

Elle attendait que son agresseur sorte. Elle croyait qu’ils pourraient discuter de ce qui venait de se produire. Elle attendait et il est arrivé et elle lui a demandé pourquoi et il n’a pas répondu et il ne s’est pas excusé. Il a tenté de la faire taire, ou de la consoler, en lui répétait de ne plus y penser, que ce n’était que pour le plaisir, que ça ne fonctionnerait jamais, eux, lui et elle, ensemble, hors du viol.

Mélina a marché jusqu’à chez son père. Elle s’est couchée toute habillée. Le lendemain elle s’est rendue au travail, le corps plein de bleus. Elle a appelé une amie et elle lui a dit qu’elle avait baisé avec son cousin.

Elle a honte. Mais elle ne devrait pas avoir honte.

Léonard

« Je sais ce qui m’est arrivé. J’ai un peu de difficulté à décrire mon but, quand j’en parle, mais je tends à souhaiter l’acceptation et le pardon. »

Léonard trouve difficile, d’avoir été victime d’une agression, et il trouve aussi difficile les réactions des gens, surtout des hommes, quand il parle de son agression.

Il a été violé par une femme : « La première réaction des hommes est presque toujours le rire et l’incapacité à comprendre que cela peut être réel, se faire agresser par une femme. »

Quoiqu’il tente pour se sortir du désarroi provoqué par son agression, il se rend compte que ce n’est peut-être jamais assez, il n’y aura peut-être jamais de fin à tout ça.

L’écoute est ce qui l’a plus aidé jusqu’à présent.

Isabelle

Isabelle a réussi à pardonner, et à s’éloigner d’un cercle vicieux, celui de se retrouver toujours auprès d’hommes qui ne la respectaient pas.

« Vivre après de la violence sexuelle ou toute autre sorte de violence, c’est vivre avec des profondes blessures. C’est parfois aussi avoir un complexe d’infériorité envers les hommes. J’ai fait des thérapies et de l’hypnose. Je peux dire que maintenant, à 33 ans, je vis mieux avec mon passé. Je lui pardonne ses comportements, mais jamais je ne pourrai accepter qu’il revienne dans ma vie. Je sais que je suis fragile quand il s’agit de violence sexuelle, cela restera toujours. Je ne peux pas changer mon passé, mais je peux mieux vivre avec. »

Olivia

Olivia n’a pas saisi, quand c’est arrivé. Pour elle, il n’y a pas eu d’après, avant d’être adolescente. Il y avait déjà le choc, la honte, le secret. Mais elle était jeune et elle a tenté d’oublier vite vite. Quand les souvenirs sont remontés, elle a souffert : « Je ne comprenais rien à mes agressions. Je ne savais pas comment en parler. Je n’arrivais pas à vivre. J’ai été à côté de mes pompes une bonne partie de ma vie. »

Elle a tenté de tout oublier. C’était pire, les souvenirs revenaient, la harcelaient. À vingt-et-un an, elle a accepté ses souvenirs. À vingt-six-ans, elle a voulu en savoir plus sur le stress post-traumatique.

Elle a aujourd’hui trente-cinq ans et elle affirme qu’elle a appris qu’un tel événement finit toujours par nous pourrir la vie, tant qu’on n’y réfléchit pas, tant qu’on ne lutte pas pour notre propre survie.

Ludivine

Ludivine met des mots sur tout, quand elle explique ce qu’elle vit, quand elle utilise les mots réels, j’ai l’impression qu’elle extériorise sa détresse, son passé, qu’elle retrouve les larmes qu’elle a déjà laissées couler, lors de toutes ces agressions. C’est une femme d’une résilience que j’admire, une résilience d’arbre immense et fort, qui perd ses feuilles pour en faire des fleurs, plus tard.

“La première fois, j’avais huit ans. C’était dans le grenier d’un camarade d’école, nos parents étaient amis et se fréquentaient, sa sœur était ma meilleure amie. Nous étions enfermés dans le noir, il avait avec lui sa petite épée lumineuse et colorée et m’a montré son sexe, en échange de quoi je devais lui montrer le mien sous peine qu’il ne le dénonce mon acte à ma mère… quelle ironie. Ce que j’ai fait après… j’ai pleuré, j’ai piétiné un oreiller. J’ai pleuré beaucoup, seule, jusqu’à ce que quelques semaines plus tard, en revenant d’une fête d’enfant avec ma mère, alors que j’arborais un beau maquillage de clown, les larmes se sont mises à couler et j’ai tout raconté. Ma mère m’a dit que c’était normal que ça me fasse du mal parce que je n’avais pas été d’accord. Elle a ensuite parlé à la mère du garçon. Il s’est fait engueuler. Ce qui ne l’a pas empêché, à plusieurs occasions et ce jusqu’à l’adolescence, de faire des tentatives d’attouchement, dont ma mère m’a protégée et défendue jusqu’à ce que je sois capable de dire non et d’être entendue.

La deuxième fois, j’avais onze ans, j’avais déjà des seins et des hanches. Je marchais dans la rue. Je venais de dire « non » à un ami qui m’avait demandé « si je voulais sortir avec lui ». Il n’a pas mal pris ma réponse mais ne m’a pas raccompagnée chez moi, et si je lui avais dit oui, 100 mètres plus loin je n’aurais sans doute pas vécu cette agression. Cinq ou six garçons, entre 12 et 15 ans, débouchent d’une rue, m’insultent, me sifflent et se rapprochent pour finalement me suivre jusqu’à chez moi et me toucher fesses et vulve à travers mon pantalon. Pendant 5 bonnes minutes. Je pleure, je dis stop, tout ça en marchant. Ils continuent. Ils rient fort. Je suis rendue chez moi, je me retourne, je hurle que je suis arrivée chez moi. Ils s’installent juste en face à l’arrêt d’autobus. Je rentre chez moi, mes parents sont là, je m’effondre en larmes en racontant ce qui vient de m’arriver, quand ma mère comprend qu’ils sont encore en face de la maison, elle sort en trombe et de dedans je l’entends leur hurler que c’est intolérable, qu’ils sont dégueulasses, que c’est interdit, que je pourrais être leur sœur. Maman, encore. Pour moi justice était un peu faite, mais plus jamais je ne suis rentrée chez moi avec la même insouciance.

La troisième fois, j’avais douze ans, ça s’est passé à la piscine. Des garçons sont arrivés sous l’eau pour me « doigter » comme on disait. J’ai hurlé, pleuré et je suis sortie de l’eau et rentrée chez moi. Ma mère était très peinée de ne pas pouvoir aller les engueuler cette fois-ci. C’était trop tard.

La sixième fois, j’avais dix-sept ans, ça s’est passé chez une copine. Deux gars paquetés, supposés être des amis, se sont mis à me poursuivre dans l’appartement pour me toucher en riant, en chantant et en me disant de me laisser faire. Jusque là je ne faisais que dire non (ce qui aurait dû suffire). Lorsque j’ai pleuré et crié que je ne trouvais pas ça drôle, ils ont arrêté. Après ça j’ai dormi, d’un seul œil. Quelques années plus tard, j’ai croisé l’un des deux gars lors d’une soirée, il a profité de cette occasion pour s’excuser. Il s’en souvenait. J’ai été touchée qu’il me dise qu’il était jeune et con et qu’à l’époque il ne réalisait pas la portée de son geste.”

Des couilles qui chatouillent

mars 22, 2016

sex couilles

Il me sentait inconfortable quand on baisait. Il m’a demandé si ça allait.

– Tes couilles me piquent.

Ça ne l’a pas fait débander. (Mais quand je me suis étouffée dans ma salive en tentant de lui dire oh oui c’est bon, il a un peu débandé.)

Elvis Experience: le spectacle m’a fait penser à Justin Trudeau

mars 21, 2016

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J’ai rejoint mon frère dans une robe que j’aurais dû repasser avant de l’enfiler pendant que mes enfants dévoraient des croquettes de faux poulet.

Nous avons bu du champagne, trop rapidement, et j’avais l’impression que c’était un sacrilège.

Quand le spectacle Elvis Experience a commencé, mon frère a texté un ami qui était à Las Vegas, il lui a dit que lui aussi, il y était. Et c’était tout comme. Martin Fontaine, qui incarne Elvis lors du spectacle, est impressionnant, et tous les musiciens et choristes derrière lui aussi. Je me suis demandé s’il couchait avec ses groupies.

-Ça sent comme dans l’entrée de la section des parfums au La Baie.

-Je pourrai confirmer à ta blonde que tu étais vraiment avec moi, pas avec cinq madames.

Selfie pour montrer que mon frère et moi avons passé la soirée ensemble.

Selfie pour montrer que mon frère et moi avons passé la soirée ensemble.

Pendant l’entracte, j’ai annoncé à tout le monde qui faisait la file pour les toilettes que je voulais trouver un costume bleu pastel d’Elvis pour mon fils. Un homme est allé rejoindre une femme qui venait de complimenter ma robe pas bien repassée. Il lui a montré le foulard du King. Une autre femme a raconté qu’assis près d’elle dans le théâtre, il y avait deux femmes qui avaient déjà assisté au spectacle d’Elvis, à Cleveland et Las Vegas. Elles étaient prêtes à être hyper critiques, mais elles adoraient Martin Fontaine.

Pendant le spectacle, sur les écrans vidéo, je regardais le vrai Elvis et j’ai confié à mon frère qu’Elvis, c’était un mixte entre lui, mon petit frère tout propret, et Justin Trudeau.

Justin Elvis

Elvin Justin

-Avoue, il a vraiment de quoi de Justin Trudeau ! C’est sûr que je ne suis pas la seule à trouver ça.

Nous avons dansé un peu et j’étais vraiment heureuse, parce que je ne m’imaginais pas rester assise tout le temps.

Après le spectacle, mon frère s’est fait filmer et il a avoué à la caméra qu’il ne connaissait pas Elvis, mais qu’il avait écouté des chansons sur Spotify juste avant de venir au théâtre St-Denis. C’était parfaitement déplacé. Il a tout de même reconnu que Martin Fontaine était génial, et je suis d’accord même s’il ressemble moins à Justin Trudeau que le vrai Elvis Presley.

 

La nudité soumise à rien d’autre qu’à son envie d’être nue

mars 19, 2016

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Ma chronique Canoë est sur la tendance à juger les femmes qui offrent leur nudité pour rien, parce qu’elles le veulent, sans qu’une agence publicitaire ou un producteur de porno leur demande.

Extrait de Nudité Menaçante : « Le corps des femmes, lorsqu’il est consommé dans la pornographie ou la publicité, est accepté. Montrer son corps, toutefois, peu importe la raison, que ce soit vraiment parce que Kim Kardashian n’avait rien à se mettre ou parce qu’il est plaisant de voir ma frange de Bettie Page imprimée sur des pages lustrées, est inacceptable et dangereux pour la jeunesse d’aujourd’hui et pour l’avenir de la planète et du Manoir Coors Light. »

Bonne lecture et bon weekend y’all !

Occupy le 8 mars

mars 9, 2016

stunning 8 mars

Le 8 mars, journée internationale des droits de la femme et des débats insupportables sur le véritable nom de cette journée, le 8 mars et les luttes, le 8 mars et « la solidarité et la compassion comme approches radicales », tel que proposé par Anick Desrosiers, le 8 mars et toutes les femmes.

J’aurais aimé vous parler de plus de femmes, de Daniella et ses jupes, de Geneviève qui n’a pas pu être psychologue, de Josée Yvon, de Marie et son besoin de silence et d’un langage nouveau, de Christiane et d’une chasse aux trésors, d’Émilie et de sa cachette sur un terrain de golf, de Dominique et de ses muffins au chia et des photos oubliés chez son ex, d’Aimée et de ses mouvements envoûtants de danse, de Josée et des numéros de téléphone sous une semelle de souliers, de Tracy Quan, de Vania et ses plaisirs, de la dame à l’arrêt d’autobus, rouge au lèvres, qui me parle de son futur petit-fils, de France, ma marraine, et de notre correspondance interrompue, de Sandrine et ses chansons, d’Evelyne et des objets à époussetter, de Sandrine et ses compromise et ses souvenirs de plage, d’Alice Munro, de Gwen et les questions à sa fille, de Chelsea Handler, d’Élisabeth Badinter, d’Amélie et de ses accouchements, de Joanna Angel, de Marie-Hélène et sa confiance et ses mots, de Karine et des robes qu’elle fait selon les dessins de ses élèves, d’une autre Karine et de sa maison comme une chambre à soi,de Stéphanie St-Amant, d’Anne-Marie et de son visage sculpté dans la résilience, de Magalie et de sa fête au Lo Dico, de Marcelle et des leçons de piano qu’elle me donnait.

Merci d’avoir lu ma série de portraits.

Je vous propose d’autres lectures, dans un ordre hasardeux, d’autres lectures sur les femmes et leurs droits et leurs luttes et leur corps, leur corps qui leur appartient toujours, qu’elles choisissent de vendre une heure d’affection, d’accoucher à la maison ou à l’hopital, de manger leur petit déj toute nue, leur corps, toujours, devant un miroir, ou jamais devant le miroir, le corps que nous habitons et qui nous est nié, nous ne sommes pas qu’un corps, mais nous nous retirons trop souvent hors de lui, nous ne sommes pas que des seins, un sexe, des jambes, des cheveux, je ne suis pas qu’une jument sauvage, mais par souçi d’être totalement qui je suis, je veux et j’occupe mon corps, consciemment, et le proclame, le 8 mars.

1.Je suis pizza, par Corine Lespérance.

2.Women in the porn industry need rights and proper pay, not token gestures, par Zahra Stardust.

3.On a listé les pires initiatives pour la journée internationale des droits des femmes, par Carole Boinet.

4. International Women’s Day, par Ann Montgomery.

5.10 female revolutionaries that you probably didn’t learn about in history class, par Kathleen Harris.

6.60 stunning photos of women protesting around the world, par Emma Gray et Damon Dahlen.

7. Why we smile at men who sexually harass us, par Hanna Brooks Olsen.

Élisa est une conquérante

mars 9, 2016

Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.

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photo: Myriam Lafrenière

Elle glisse : « Les vers de terre en jujube, c’est long comme les pénis. » Je lui demande de répéter et elle répète et elle rigole, pendant que je fais pareil. Elle me demande ensuite de la regarder et elle danse, et je devine qu’elle tente d’emprunter des mouvements à notre vidéo préférée, un extrait du Petit musée de Velasquez, elle aime les bras qui bougent vite, elle aime les jambes qui bougent vite, et elle aime tomber et se relever, et elle me montre comme elle tombe, et je la trouve belle, je la trouve belle de précipiter et d’aimer les chutes, et de se relever, pour faire une révérence et une grimace.

Elle me demande souvent de la regarder, et je la regarde et quand je ne la regarde pas, je regrette mais je me dis aussi qu’elle doit être seule parfois, seule à se regarder dans le miroir, seule pour inventer des histoires, avec sa petite voix de dictatrice, cachée sous trois couverture et deux déguisements enfilés l’un par-dessus l’autre. Elle dit aussi : « Ce n’est pas grave si j’ai le rhume, l’important c’est que je me trouve belle. », déformant mes propos, déformant ce que je lui dis quand elle me demande si elle est belle.

Ma fille a la beauté d’une conquérante, la beauté imparfaite d’une chevalière qui combat des méchants loups imaginaires en robe de Cendrillon, elle n’aime pas les mensonges, elle demande toujours si c’est vrai, si c’est vrai que je mangeais la nourriture de mon chien, quand j’avais son âge, si c’est vrai que mon grand-père chassait les chevreuils, si c’est vrai que les raisins c’est bon pour le caca.

Elle demande déjà si souvent si c’est vrai qu’elle est belle, et je ne redoute pas encore le poids de ses obsessions, parce qu’elle est plus flamboyante que belle, impolie devant ceux qui ne se soumettent pas à elle, elle n’aime pas les câlins sauf ceux de son frère, ou les miens et ceux de son père, quand elle brise ses lunettes préférées ou qu’elle écoute Le Chant de la mer et qu’elle me fait jurer de ne jamais partir comme la mère dans le film scandinave, je lui jure de ne jamais disparaitre, et je me jure de ne jamais vouloir crever, pour elle, parce que même quand nous crions et claquons les portes, à quatre ans déjà, parce que même quand elle se refuse à moi, je sais qu’elle a besoin de mes dessins de pouliche, des morceaux d’ananas que je lui coupe, des berceuses, des secrets que nous nous disons, quand nous sommes sous la table ou au fond d’une garde-robe.

Quand elle s’ouvre à moi et qu’elle me dit un secret, le nom de sa planète préférée ou sa désolation de savoir que sa meilleure amie ne veut plus se marier avec elle, quand elle s’ouvre à moi la vie est parfaite, et je ne pourrais jamais vouloir crever, grâce à elle, grâce à mon arrache-cœur, comme son père l’avait surnommée, à sa naissance, mon arrache-cœur, ma conquérante, ma petite fée, mon oiseau, j’ai un collier, brisé, un collier que j’avais acheté pour elle, pour célébrer mon ventre qui s’arrondissait, c’est un collier avec une cage et un oiseau, parce que j’aime les oiseaux, mais j’ai brisé, en l’échappant, le collier, et il ne reste plus que la cage, l’oiseau, l’oiseau est libre, et cet oiseau représente bien plus ma fille qu’un collier à attacher, ma fille ne s’attache pas et ne se met pas en cage.

Elle dit aussi que le père de Jésus est un magicien et qu’il a tout créé, sauf les maisons, parce que les maisons, ce sont les humains qui les font. Quand elle parle, elle structure tout, sa pensée, la mienne, et elle termine, c’est vrai, c’est vrai maman, et tout est vrai, tout est vrai si elle le dit, je ne pourrai jamais lui dire qu’elle ment si elle ment, parce qu’elle réussit à tout rendre vrai, à tout rendre vivant, comme le père de Jésus, elle rend tout vivant, et ses jambes qui bougent vite, comme Louise Lecavalier dans Le petit musée de Velasquez, et ses bras bougent vite, et ses yeux cherchent les failles dans les miens, mais je garde la tête haute et je la soutiens, oui c’est vrai, Élisa, c’est vrai.

Avant elle était dans mes bras, elle y dormait, elle passait son temps contre mon cœur, et maintenant que parfois elle me boude, parfois je ne la regarde pas, parfois je redoute nos cris, maintenant, je vais la rejoindre, la nuit, et je dors près d’elle, une peluche en guise d’oreiller, et elle ouvre parfois les yeux, elle me regarde, étonnée, pose un bras sur mon bras, et nous dormons, et le lendemain, elle ne s’en souvient pas.

Elle ne se souvient pas de mon souffle contre son visage, quand elle dormait, et je suis déçue, car lorsque je dors tout près d’elle, tout est calme et paisible, et ça me semble racheter mes exigences, mes emportements, mes cris, injustes, et elle ne s’en souvient pas.

Marion ne doute presque pas

mars 8, 2016

Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.

Marion

Dans un recoin de mon appartement, avec nos premiers enfants qui tentent leurs premiers pas, Marion me raconte qu’elle allait à l’église le dimanche toute seule, jeune adolescente en autobus, de chez sa mère à l’église, celle que lui avait fait découvrir son père, celle de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours.

Assise, le dos contre un mur, elle se rappelle qu’elle avait refusé d’aller voir American Pie avec ses copains du lycée.

Elle affirme sa foi et sa bonté tout naturellement, dans sa compassion pour les autres, ses appels à l’aide, son ouverture, nous parlons de tout, ensemble, même si elle ne peut pas écouter The Wolf of Wall Street parce qu’il y a trop de corps surexposés et de blasphèmes et même si moi, de mon côté, je crois fermement à Jésus et au pouvoir du grain de beauté sur mon sexe. Nous ne blâmons pas l’autre pour ce que l’autre n’est pas.

Si elle aime sans douter, elle doute encore trop souvent d’elle, ses yeux fatigués, ses yeux distraits, ses yeux admirant ses fils, ses fils à bicyclette, avec des chandails de super-héros, ses fils, l’un contre elle, tout contre elle, son fils koala, et l’autre qui se sauve des baisers, ses yeux sont doux pour le monde entier, mais durs lorsqu’ils s’abaissent sur elle.

Marion aurait besoin de dormir quatre-vingt heures, d’être bordée dans une couette chaude, qui sent les marguerites et les croissants et le chocolat chaud, mais elles n’existent pas encore, les siestes de quatre-vingts heures, alors Marion s’accroche et se répète que tout ira bien.

Tout ira bien, elle le prie et je le prie, tout ira bien car tout doit aller forcément bien, après le mal de se lever et de réconforter ses petits, après il y a des gâteaux et des pinatas à réaliser, des chants, la télévision en background, des décorations en carton en background, des concombres et des tomates sur le balcon, tout ira bien.

Valérie et ses caresses à l’encre

mars 8, 2016

Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.

Valérie illustration par Jehan Cho

Sa peau est recouverte de tissu noir et de tatouages. Elle croit que les autres ne remarquent que ça, qu’ils la jugent, lui reprochent son choix de s’approprier sa peau comme d’autres n’osent pas le faire, sauf pour s’appliquer de la crème anti-cellulite.

C’est vrai que sa peau, c’est ce qui est le plus visible. Son amour pour Dean Martin, les cocktails de grand-père et la tartinade aux noix de cajou, c’est caché. Le lit de son adolescence, les égratignures sur son cœur, ce qu’elle n’ose pas se dire à elle-même et montrer aux autres, ses doutes sur tout, sa vulnérabilité de petite demoiselle perdue dans un labyrinthe, ça aussi, cachés.

Elle laisse les enfants dessiner sur elle, les miens et les siens, des crayons feutre et des crayons pour le maquillage, son corps avec la première lettre du prénom de ses filles, ses lèvres trempant dans un verre de vin blanc, pendant qu’elle attend, un autre coup de crayon, d’une couleur incertaine, sur ses joues ou sur une jambe. Nos enfants, déguisés en princesse, démon, super-héroïne, panda, méchant loup, nos enfants déguisés même sans costume, nos enfants autour d’elle, pour la conquérir.

Elle se sent seule trop souvent, ou plus incomprise que seule, les câlins elle les prend quand ils viennent, mais parfois, parfois nos bras se craignent, comme si l’enlacer pouvait donner sur une rupture ou une lutte, elle n’est pas seule, mais éloignée, elle revient les mains en dentelle, les égratignures sur son cœur imprimées partout sur ses paumes, dans l’ouverture de ses mains, il y a ses tremblements et ses craintes.

Ses tatouages, ce n’est pas pour être originale, ni pour crier qu’elle existe aux gens qu’elles croisent. Je crois qu’elle les a pour apprendre à se protéger, ses tatouages comme une armure, ou comme une caresse, à une peau qu’elle veut aimer, à un corps à elle, un corps qu’elle se construit comme un château de cartes qui ne s’écroulera pas.

Tu ne t’écrouleras pas Valérie.