
Je rêve que je participe à l’émission de téléréalité Loft Story, avec mes deux frères, et Alexandre Le Grand, et beaucoup de filles aux cheveux aussi bleachés que ceux de Kate Winslet sur le Vogue du mois d’avril. Philippe et Alexandre Le Grand sont les premiers candidats à se faire éliminer : Philippe parce qu’il a mal joué au soccer, et Alexandre Le Grand parce qu’il a fait semblant de se crosser devant une autre concurrente. Alexandre Le Grand me donne un gros Calinours jaune pour que je pense à lui tout le temps-tout le temps. Je m’ennuie trop de mon enfant, que mes parents babysittent, alors j’en parle aux filles bleachés et elles me trouvent trop chiante. Je deviens hystérique et je crie : « Vous ne pouvez pas comprendre, vous n’êtes pas maman. »
Quand je me réveille, je raconte à Alexandre Le Grand mon rêve, et j’ajoute que j’ai aussi rêvé que je mangeais au McDonald. Nous nous rendons avec Cécile, sa grande fille de quatorze ans, au McDonald, et ils me mettent au défi de manger un Double Big Mac. Je le mange en moins de quinze minutes, en me jurant d’avaler bientôt un smoothie poires-topinambours-pommes-framboises-légumes verts pour que Bébé Le Grand-Nelson devienne autant addict aux topinambours qu’aux frites.
Nous allons ensuite aux glissades sur tubes des Pays d’en Haut. Je frenche Alexandre Le Grand et je me réfugie dans la cafétéria parce que j’ai très peur de faire peur à Bébé Le Grand-Nelson en gueulant comme une folle dans les glissades sur tubes. Les enfants de cinq ans sont dix mille fois plus courageux que moi. Je ne sais pas comment j’ai fait à 15 ans pour embrasser ma passe de La Ronde et rester des heures dans des manèges comme le Monstre, l’Astronef – qui n’existe plus, bouhou – et l’Ovni – qui t’arrache carrément le cerveau pour le coller contre des murs de gommes ballounes.
À la cafétéria, entourée de mecs qui cachent leurs cheveux avec d’énormes tuques et qui sentent la cigarette, d’enfants qui courent et s’asseoit nu pieds sur les tables – WTF? – , je tente d’écrire, mais je préfère lire War Dances, de Sherman Alexie. Il raconte qu’il a un tué un black, entré par effraction chez lui, avec un bâton de baseball, acheté pour son fils de huit ans, un petit bâton de baseball, il ne pensait pas tuer, il ne voulait pas tuer, mais le black est mort, et Sherman Alexie se défend à la télé en disant « Je ne suis pas un autre mec blanc qui tue un black, je suis un Indien de la Tribu Spokane. » C’est triste, beau, parfois drôle, et fier, même quand l’auteur écrit sur une copine qui l’a laissé parce qu’il n’était pas un hibou, même quand il écrit sur son père qui boit trop de vodka et qui doit se faire amputer d’un pied.
Je regarde parfois par la fenêtre, je ne parviens pas à voir ni Cécile, ni Alexandre Le Grand, mais je pense, toute joyeuse, au tube de gloss Shunga Plaisir Oral Divin que j’ai retrouvé sous mon oreiller, au chalet de mes parents. Je pensais l’avoir perdu. Après avoir sucé Alexandre Le Grand plus tard, ce soir, après les glissades et après avoir jouer au plombier parce que la plomberie chez mes parents menace genre d’exploser, je sais que je ne réverai pas encore une fois à Loft Story.