Posts Tagged ‘travail du sexe’

J’aime ça venir dans ta tête

octobre 8, 2019

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#inbed #naked #selfie #face #fakeblonde

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Je suis lente pour écrire. Je n’ai pas de raisons. J’ai des journées à chercher des stickers à coller dans mon agenda, des journées à faire des muffins aux carottes qui ne goûtent rien et que les enfants refusent de manger, des journées d’une vidéo de pieuvre qui change de couleur en dormant, des journées à décrire des queues (vous pouvez me demander, c’est un service que j’offre maintenant, la description de vos photos de queues en échange d’argent pour de la vodka), des journées à marcher, à lire, à changer de couleurs de vernir, à commencer un projet, à boire en parlant de commencer un nouveau projet.

Je reste lente pour écrire.

 

Mais cet automne j’ai participé à deux livres qui sont publiés. J’en suis trop fière. Hustling Verses, une anthologie de poèmes de travailleurs.ses du sexe du monde entier. Et Je suis indestructible, un livre-objet d’art, dans lequel je raconte mon agression sexuelle et l’après-agression sexuelle, et aussi toutes les merdes que je suis prête à faire quand je suis en amour.

Lisez-moi please. J’aime ça venir dans votre tête.

 

Popcorn et vodka soda

octobre 7, 2019

Parfois je parle et je n’écris pas. Ça donne les meilleures soirées. C’était une joie que d’accompagner la journaliste Natalia Wysocka à la première de Hustlers il y a quelques semaines, en compagnie de copines.

Ce que j’aime de cette journaliste de La Presse : quand elle écrit elle ne passe pas son temps à décrire physiquement les personnes qu’elle interview. Personne ne peut deviner le décolleté d’une auteure ou la couleur du rouge sur les lèvres d’une chanteuse sous sa plume. Elle cite. Il n’y a pas de regard ou d’emprise pornifiante sous ses mots et c’est rare que ça arrive. Ce n’est pas grave que ce soit indiqué que je suis peu maquillée ou que mes lèvres sont rouges et que mon chandail est gris et en lainage. Ce n’est pas grave mais ça détourne le propos, que de décrire, ça corrompt la réception de toute œuvre ou opinion.

Enfin bref, Wysocka ne fait pas ça, alors vous ne pouvez même pas deviner à quoi ressemblaient mes copines travailleuses du sexe qui m’ont permis, après le film, de tenter de nouveaux mouvements de stripper, assise sur elles. Nous étions glorieuses en tout cas.

Extraits de l’article : « C’est d’ailleurs l’un des points principaux du film : la solidarité. Que l’on sent émaner du groupe qui nous entoure. De façon nettement moins romancée qu’à l’écran. Là où l’on voit toutes les femmes, dansant autour de l’arbre de Noël, s’offrant des Louboutin, blaguant avec la grand-mère de l’une, haha, vous êtes une coquine, vous aussi, mamie. « Cette scène m’a presque fait pleurer, s’émeut Mélodie. Je trouvais ça trop adorable ! » Désolée, tranche Morgane, mais « ça, c’est fucking pas vrai ». « Ce n’est pas comme ça que ça se passe dans les clubs ! On se fait une, deux amies, mais la dynamique est complètement différente. » Dans les mots d’Alice : « Ce n’est pas une équipe de hockey. »

À lire aussi: un article du site Tits & Sass sur Hustlers

Ce qu’un escorte lit en pleurant

mars 21, 2019

Maxime Durocher a l’air dix ans plus jeune que son âge et organise parfois des pyjamades dans des hôtels montréalais, avec promesses de pizza et de plaisir. Il est un escorte charismatique, respectueux et il prend souvent la parole comme allié de ses collègues féminines, qui sont plus stigmatisées et criminalisées que lui.

Je ne l’ai jamais entendu dire du mal de quiconque et il garde ses rencontres professionnelles secrètes, comme des joyaux entre lui et la femme qui le convie à passer un bon moment avec elle et du latex.

Sur son site web, il parle de ses services, de son parcours et répond à toutes sortes de questions, comme Is there such a thing as too much foreplay?, What advice would you give men on how to properly worship breasts? et Why is it that men require possession of the remote control?

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Récemment il a posé avec mon livre Juicy. C’est pour moi un honneur et je pense que rien ne me rend plus heureuse que lorsqu’une personne dans l’industrie du sexe apprécie mon livre. Deux autres escortes à ma connaissance ont posé avec Juicy et je trouve ça délicieusement adorable, que de retrouver mes mots tout contre la peau de ceux et celles que j’admire le plus au monde.

Je l’ai questionné sur ses choix et habitudes de lecture, parce que parler cul avec un escorte, c’est moins original que de parler de ce qui l’inspire intellectuellement.

Le livre que tu as plus lu et pourquoi: The Eye of the World. Parce que c’est le premier de ma série favorite par mon auteur favori. Robert Jordan décrit une aventure fantastique avec un niveau de détails qui me captive.

Ce que tu lis présentement: Wikipédia, sur l’Égypte ancienne.

Un livre que tu donnes en cadeau: Luttes XXX. Parce que ça décrit tellement bien la lutte pour les droits des travailleuses/eurs du sexe ainsi que son fondement.

Un livre qui t’a fait pleurer: Le Seigneur des anneaux.

Tes habitudes de lecture: Avant de me coucher, juste après ma douche, après mon somnifère et mon antidépresseur. Ça m’aide à me relaxer et à m’assoupir.

Des coupeuses de tête et suceuses de queue

mars 18, 2019

 

Cette semaine je serai de la bande à Bianca Longpré à QUB pour parler d’un article que j’ai écrit pour Urbania. C’est au sujet des noms d’escortes. Comment choisissent-elles leur nom, comme un semblant de gage de leur réputation et de leur succès dans l’industrie du sexe?

Être escorte est un travail, et même si ça en fait rigoler un peu, la démarche pour réussir dans l’industrie du sexe est comparable à celle pour toute entreprise canadienne. Les conseils d’Entreprises Canada : c’est pas que pour les plombiers et les propriétaires de boutiques de colliers chics pour chats.

Il faut lire l’article absolument mais je vous donne ici en extra des explications d’escortes qui ont été coupées – parce que je ne peux pas écrire 2000 mots sur les escortes all the time même si j’en aurais envie.

  1. Léonie Stein explique que Léonie vient de l’œuvre de Marcel Proust : « C’est la madeleine qui explose en souvenirs et histoires, et Stein est inspiré par un personnage de Marguerite Duras. C’est l’implosion, le trou. Je suis quétaine et un peu trop littéraire.»
  2. Le monde des dieux a aussi inspiré Charlotte : « Je voulais mappeler Freyja, la déesse nordique de l’amour, de la fertilité et de la guerre. Je trouvais ça badass, mais personne ne comprenait. J’ai finalement choisi Charlotte, parce que je trouve ça cute mais beaucoup de clients trouvent que ça fait vieillot. »
  3. Noémie voulait s’appeler Salomé, « comme cette danseuse dans la Bible qui danse devant le roi Hérode, sans savoir que c’est son père, et qui lui dit, charmé par elle, qu’il souhaiterait exaucer un de ses vœux. » Salomé lui demanda alors why not de couper la tête de Jean Baptiste et Noémie ne prend finalement pas son nom, car les clients se mélangeaient et l’appelaient Paloma et Paméla.
  4. Malika Fantasy a un grand-père marocain qui l’appelait Malika, petite. « Ça veut dire princesse en arabe et Fantasy, parce que je crée des fantasmes, de la fantaisie », résume-t-elle.
  5. Laure choisit quant à elle ses noms en fonction des filles qui lui ont mené la vie dure pendant sa scolarité : « Je me réapproprie ces prénoms, tout en ayant ma petite vengeance sur celles qui m’ont intimidée et slutshamée. »

Il est à noter que je suis très reconnaissante que peu à peu les médias s’ouvrent au sujet d’une façon pas sensationnaliste ou moralisatrice. Je critique souvent la place qu’occupe le travail du sexe dans l’actualité : des femmes-jambes en résille, des faussetés présentées comme des faits, de la morale moins résistante qu’un condom à la menthe. Mais en évoquant autre chose, en allant au-delà des appréhensions et inconforts, les médias aident à diminuer un stigma horripilant. J’ai beaucoup beaucoup beaucoup de gratitude d’avoir la possibilité de participer à rendre plus visible la réalité  des travailleuses du sexe, sans avoir recours à des clichés et à des craintes.  

Camille ne m’a pas demandé si je fakais de jouir avec les clients

février 2, 2019

(La réponse: non. Quand je jouissais, c’est parce que j’étais assez détendue et que mon clito était bien léché. Sinon je ne faisais jamais semblant. Ils savaient que j’avais du plaisir même si je ne criais pas aussi fort que Céline Dion dans une chanson. )

Cam Grande Brune a un chien adorable, des cheveux comme ma fille en voudrait, étudié en littérature sans triper sur le monde qui l’entourait – hello, je t’aime – , des rêves qu’elle réalise parce qu’elle a du culot et la confiance de se dévoiler sur sa chaine youtube mais aussi de laisser les autres se dévoiler.

Elle m’a invitée à parler du travail du sexe. Et ce qu’elle m’a offert c’est un cadeau. Hyper rare. Le cadeau de parler de plein de choses en lien avec le travail du sexe – ma rencontre avec mon amoureux, les condoms que je suis incapable de mettre, toutes les raisons possibles de vouloir baiser, ce que je demandais à mes parents comme cadeau de Noël quand j’étais adolescente. Sans être jugée. Sans aller dans le trauma porn. Parce que le trauma porn, quand on parle de travail du sexe, c’est populaire. On veut aller dans le dégoûtant, dans les perversions, dans les as-tu été violée par ton arrière-grand-papa et le voisin du boucher de ton quartier. Les putes, on aime bien les attendre à l’hôtel et ne pas leur demander l’autorisation de leur poser les pires questions. Mais Camille n’est pas comme ça.

Et je suis très heureuse du résultat, avec moi qui rit trop souvent mais qui tente de trouver les mots pour dire, je ne dis jamais tout car il a trop à dire, mais je tente de m’en approcher, les mots pour tout dire, pour me dire moi et pour espérer que les autres femmes dans l’industrie puissent un jour avoir cette chance, de se dire et de dire ce qu’elles veulent, que ce soit fuck you, à l’aide, j’adore, ne me touche pas ou ouh la la, ça goûte la merde les condoms au pina colada.

Merci.

Je vous invite à la suivre sur son blogue et sur sa chaine youtube. Elle est hyper intéressante, qu’elle parle de ukulele, d’asexualité ou de maillots de bain.

Les lois actuelles sur la prostitution n’aident personne – ni les victimes d’exploitation ni les travailleuses du sexe

janvier 24, 2019

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Je suis intervenue en matinée à l’émission Politiquement Incorrect de Richard Martineau sur QUB radio. C’était à propos de la violence vécue par les travailleurs.ses du sexe, une violence qui n’est pas causée par la nature de leur travail mais plutôt par les conditions dans lesquels iels travaillent.

En France, le Conseil Constitutionnel va donner sa décision, début février, concernant la constitutionnalité éprouvée d’une loi datant de 2016 sur la pénalisation des clients. Une loi semblable à celle du Canada. Les travailleurs.ses du sexe n’en veulent pas et déplore une loi qui les astreint à travailler de façon dangereuse, une loi qui vise plus la morale que la sécurité et la dignité de toutes les personnes concernées – clients.tes et travailleurs.ses.

Pour m’écouter : Mélodie Nelson réagit à la violence dans le monde du travail sexuel

À lire : « Non, l’exercice du travail sexuel n’est pas en soi une violence »

Extrait : « Non, notre espérance de vie n’est pas seulement de 40 ans, comme cela est affirmé sans preuve. Il suffit de lire le rapport de la Haute Autorité de santé concernant notre population pour s’en convaincre ou juste de nous écouter. Nous ne souffrons pas d’une plus mauvaise santé que le reste de la population, hormis une exposition aux agressions plus fréquente due au fait que nous devons nous cacher pour exercer.

L’usage de drogues n’est pas plus important chez les travailleuses du sexe que dans le reste de la population générale, excepté pour le tabac et le cannabis, comme le rapporte cette étude, pour lesquels notre surconsommation est comparable à celle des chômeurs et des travailleurs pauvres. Car, oui, cette activité permet aux plus vulnérables d’entre nous de vivre et d’accéder à une autonomie économique. »

À lire : « La pénalisation des clients porte atteinte à la santé, à la sécurité et aux droits des personnes se prostituant »

Extrait : « A l’inverse des clichés trop fréquemment véhiculés, il est fondamental de rappeler la diversité des situations que recouvre cette activité. Si certaines personnes exercent une activité de manière consentie et assumée, d’autres sont exploitées, ou contraintes pour différentes raisons. Il existe de fait entre ces extrêmes autant de situations qu’il existe de personnes. Les politiques publiques relatives à la protection et à la santé des personnes se prostituant doivent pouvoir appréhender la diversité des situations individuelles et y répondre de manière différenciée, ce qui n’est jamais le cas des politiques répressives.

La Haute Autorité de Santé, l’ONUSIDA, le Programme des Nations Unies pour le Développement l’expriment sans ambages : ce n’est pas l’achat sexuel tarifé qui expose les personnes se prostituant, mais les conditions d’exercice de l’activité. En ce sens, ces institutions se sont prononcées contre toute forme de politiques répressives. Nous dénonçons, comme tout un chacun, et avec force, toute forme d’exploitation, de contrainte, de trafic et de violence exercée à l’encontre des êtres humains. »

Quand Pierre-Yves McSween écrit à mon patron pour demander mon congédiement

mars 12, 2018

Samedi, le comptable/auteur/chroniqueur Pierre-Yves McSween s’est interrogé sur Facebook à propos d’une annonce immobilière. « L’annonce ne dit pas « à 23 secondes d’un bar de danseuses de la rue Ontario »…ni à 1 minute du Bercy : restaurant de haute gastronomie. Je me demande pourquoi… » Une amie escorte m’a fait parvenir une capture d’écran. Les escortes ne vivent pas enchaînées à un lit de motel : nous nous parlons de tout, des éponges à utiliser quand nous sommes menstruées, des mauvais clients et de tous les jugements qui nous pourrissent la vie, comme celui de Pierre-Yves McSween.

Dans le fil de commentaires de sa publication Facebook, il en profitait aussi, selon une jeune femme qui avait communiqué avec lui et qui habite avec sa fille à deux minutes de la maison en vente, pour dire qu’il fallait manquer de jugement pour habiter un quartier comme ça, plein de « prostitution de rue et de drogues », et que c’était donc nocif pour les enfants.

Je lui ai rétorqué, via Twitter, que si ce n’était pas indiqué, le Bercy et le bar de danseuses nues, c’était peut-être parce que tout le monde avait encore les mêmes préjugés que lui (outre le fait que les agents immobiliers n’ont pas à faire la carte touristique de chacune des demeures à vendre).

Il en a profité pour interpeller mon employeur, le Sac de Chips du Journal de Montréal, via Twitter et messages privés, afin de comprendre pourquoi j’étais encore une de leurs employées. Il a aussi souligné que je ne savais pas lire.

Ce n’est pas vrai.

J’ai déjà lu à voix haute un essai pendant que j’étais filmée, la queue d’un mec entre les fesses.

J’ai lu aussi beaucoup de livres avant d’avoir dix-huit ans et mille amants, j’ai lu Du côté des petites filles, la même édition que ma mère avait lue d’abord, celle qu’elle avait annotée et soulignée au crayon Bic, j’ai lu un recueil de poésie américaine dans le sable; je l’avais acheté dans une librairie où il y avait trois ou quatre chats, j’ai lu Virginie Despentes et des revues Maxim, et le lendemain je ne tuais personne. J’allais enseigner le ski à des enfants de quatre ans ou je chantais Hit me baby one more time et Evita dans l’escalier de mon école privée.

Aimer pour ne pas avoir à se prouver que tout est possible ailleurs

C’est une amie qui chantait avec moi. Elle habite en Suisse maintenant. Je n’ai jamais voyagé, je le regrette, ça et ne pas être devenue une espionne, ce sont peut-être mes seuls regrets. Quand j’ai eu dix-huit ans je suis tombée en amour avec le même homme qui m’avait laissée quand nous avions quinze ans. Il préférait jouer au base-ball avec ses copains plutôt que de me tenir la main. Je me suis mariée avec lui au lieu de devenir une fille au pair dans une famille londonienne. C’était par amour ou parce que comme ça, je n’avais rien à prouver. Je n’avais pas à apprendre à cuisiner autre chose que des grilled cheese. Je n’avais pas à apprendre à conduire. Je n’avais pas à prendre l’avion sans laisser à mes parents des lettres dans lesquelles je leur disais des secrets, si j’étais trouvée morte dans l’océan. Je leur laisse toujours des lettres comme ça, dans des paquets de céréales ou au congélateur. Si je disparais, ils sauront tout de moi, entre des croquettes au simili poulet et des morceaux d’ananas congelés.

Si je suis devenue escorte c’est parce que je trouvais ça ennuyant être libraire. Pas parce que je ne savais pas lire. Ni parce que je suis faite pour plaire. J’ai les yeux cernés. Je ris en grognant comme un cochon. Je mange des Cheetos et de la pizza toute garnie au lit. Je ne sais pas plier un drap contour et je n’ai pas envie de regarder des vidéos sur youtube pour savoir comment. J’ai les ongles cassants, et même si je prie le soir avant de m’endormir, je ne pardonne pas ni n’oublie facilement, je ne veux pas, je me souviens encore du goût des derniers repas avant chacune de mes ruptures, je me souviens des ballerines que je ne pouvais pas porter pour toi, je me souviens de tout sauf de la première fois que j’ai vu ma fille.

Les filles comme moi qui sont payées

Je me souviens aussi de toutes les remarques faites sur les filles comme moi. Les filles payées pour des fellations avec condom à la menthe. Les filles payées pour écouter. Les filles payées pour sommeiller entre une réunion d’affaires et un vol vers Tokyo. Les filles payées pour caresser les marques d’une guerre sur le dos d’un homme ou celles d’un cancer. Les filles payées pour aimer les cicatrices. Nous les aimons souvent les cicatrices. J’en ai au poignet. Comme des bracelets tracés au couteau. J’avais quinze ans, seize ans et plus de vingt ans. C’était pour ne pas hurler.

Maintenant je hurle et je porte les bracelets de boutons et de fil de pêche que me créent ma fille.

Tout ce que je sais faire à part chanter l’alphabet

Quand un homme connu, cette fin de semaine, a ridiculisé les filles comme moi, a écrit que c’était nocif, élever des enfants dans un quartier avec des filles qui dansent et des filles qui sont debout sans attendre un autobus, avant d’écrire que je ne savais pas lire et qu’il ne comprenait pas pourquoi j’écrivais encore, pourquoi j’étais payée pour écrire, je ne l’oublie pas.

Je sais sucer. Je sais aussi encore pleurer devant des films pour enfants. Je suis allée voir Ferdinand, avec mes enfants et mon amoureux, et j’ai pleuré, quand, devant le gentil taureau, les spectateurs ont lancé des fleurs rouges. Je pleure souvent. Je sais pleurer et choisir un mascara bien waterproof.

Et je sais lire, même si je n’ai pas lu le livre de celui qui s’est moqué de moi et même si je ne me sentirai jamais plus importante que ceux qui ne savent pas. Il y a un homme qui venait me voir avant, il me parlait de la marque de ses jeans et de Wong Kar Wai, et je lui parlais de littérature nordique. Il y un autre homme qui était un soir médecin et un mois après il construisait des gratte-ciels ou vendait des cellulaires. Il y en a d’autres qui me prenaient dans leur bras et ça suffisait pour qu’ils se jouissent dessus. Un qui m’a demandé s’il pouvait chuchoter salope à mon oreille. Aucun pour me faire sentir comme si je ne méritais pas d’écrire et d’être entendue quand je hurle doucement ou quand je rentre des faux ongles dans la paume de mes mains.

Je demande des excuses.

Le romantisme n’est pas si excitant

février 14, 2018

L’image contient peut-être : fleur et texte

Je me suis crossée au lieu de vous écrire un conte de Noël

décembre 27, 2017

Je ne vous ai pas écrit de conte de Noël cette année parce que un) personne ne les lit haha et deux) je dois un livre à mon éditrice/bombe blonde/athlète de l’année/amoureuse des chats/personne vraiment trop chill avec moi – ce sera un livre qui sera plus intéressant et magique que le vernis à ongles qui ne s’écaille pas, promis et trois) je suis fatiguée j’ai été trop fatiguée ma fatigue est nulle – j’ai publié un truc sur Facebook le 17 décembre à ce sujet et je vous le copie-colle ici.

« Souvent j’explique que je suis devenue escorte parce que je suis paresseuse.

C’est comme une excuse : je n’étais pas capable de travailler comme les autres, je ne suis pas encore capable de travailler comme les autres, je restais parfois au lit, je me souviens je restais au lit et je n’en sortais pas, toute une journée, incapable d’aller sourire huit heures dans une librairie. Parfois je reste encore couchée et je me lève parce que je dois habiller les enfants, leur proposer aussi une boisson de soya aux fraises et des Froot Loops, je me lève et je me dis je pourrais retourner me coucher après et les journées passent comme ça.

Je ne sais pas pourquoi. Je suis triste parfois. Je suis fatiguée. Je n’en parle pas, je ne pense pas que je suis malheureuse, c’est juste que ma tristesse est parfois trop lourde ou qu’elle n’est pas une tristesse : je suis parfois juste trop lourde pour me soulever.

Je ne suis pas devenue escorte parce que je suis paresseuse. Je suis devenue escorte parce que c’est la seule façon que j’ai trouvé d’être moi, de pas me fausser, de pas rire si ça ne me plaisait pas, de pouvoir passer des journées juste à lire à boire de l’eau au pamplemousse et à rester seule, et d’autres journées à voir plein de monde et à me déshabiller et à regarder d’autres personnes se déshabiller.

Je n’ai pas à m’excuser d’être devenue comme ça. Et pour toutes les autres qui sont comme moi et pour toutes les autres qui ne sont pas comme moi, qui ne se retrouvent pas dans ce travail, mais qui enfilent quand même des condoms sur des queues et qui ont les cheveux gras de trop les laver, toutes les autres toutes les autres nous toutes, nous n’avons pas à subir la violence. De personne. Nous n’avons pas à subir la violence des personnes qui forcent une des nôtres, à sauter, par peur d’être arrêtée par la police, d’un immeuble, et de mourir, de mourir d’avoir été pute. C’est arrivé, comme ça, cette année, à New York. Nous n’avons pas à subir la violence des personnes qui nous rejettent, qui nous jugent, qui refusent que nous soyons ce que nous sommes. Nous n’avons pas à subir la violence de certains clients qui croient que nous ne comptons pas, puisque nous devrions faire comme à la télé et ouvrir les jambes comme des robots et mouiller sur commande et crier aussi merci. Nous n’avons pas à subir la violence des journalistes qui nous nomment comme nous ne voulons pas être nommées et qui nous cherchent que pour les étiquettes et les scandales de foot et de foutre et de drogues à s’injecter comme si personne d’autre que nous n’était dépendante à autre chose qu’à du dissolvant de vernis à ongles.

C’est presque fini. C’était aujourd’hui : la journée internationale pour en finir avec la violence dirigée contre les travailleuses – et travailleurs – du sexe. »

Je vous propose d’autres lectures aussi parce que je suis toujours super pertinente.

Une femme nous raconte comment une escorte a pu l’aider à se connaître et sauver in a way son couple.

Le poil des femmes est toujours prêt à embarrasser le monde entier. Ou à exciter.

Une escorte canadienne enceinte explique comment ça se passe, travailler avec un ventre prêt à exploser.

Des travailleuses du sexe révèlent les messages merdiques que certains clients leur envoient.

C’est du tout beau. Si vous avez des questions pour moi, n’hésitez pas, que ce soit sur la manière de lécher des couilles sans avoir de poils entre les dents ou comment diriger la planète Terre (ça je sais pas, mais ça peut être le fun de demander à des gens influents).

La semaine est plus dure que mes tétons

octobre 18, 2017

Je suis contente de remettre des pyjamas, après un été à être toujours toute nue ou en petite culotte le soir. Sinon j’ai le moral quand ma fille frenche une citrouille/ma belle-mère m’envoie des décalcomanies/une amie me dit que son chéri pense que Juicy est autobiographique/il y a des arcades dans un bar/il reste du champagne dans mon réfrigérateur.

La semaine a été difficile. J’accuse tout le monde de dérailler et je me réveille en expliquant dans un rêve à une amie pourquoi les hommes ne devraient jamais parler d’avortement et de travail du sexe, ce n’est pas à eux de juger ou de sacraliser quoi que ce soit, ce n’est pas à mon voisin de me croiser dans la rue le matin et de faire semblant de rien, alors qu’il dit aux autres que le sexe entre un client et une escorte, c’est toujours un viol rémunéré, fuck off.

Je veux aller dans le quartier chinois et m’acheter des masques et regarder mes enfants rêver à de la barbe de dragon.

Si vous n’avez pas encore trop mal au cœur des histoires de témoignages #moiaussi #metoo #balancetonporc, vous pouvez lire ce que j’ai à dire sur le sujet.

À Vice je parle de lassitude et je donne un prénom parce qu’il me fallait nommer pourquoi je pleure.

Au Journal de Montréal, je parle de ma crainte de devoir rassurer et consoler ma fille, si.