La fin de Nicole

mars 6, 2016

Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.

nicole

Elle habitait à l’étage au-dessus de mes beaux-parents. Les deux croient que son mari est innocent, parce qu’il était un juge, avant de se retrouver en prison, et que les autres juges étaient supposément jaloux de lui depuis des années.

« Ce qui est le plus triste dans toute cette histoire, c’est que je n’ai plus de taxi. Il me reconduisait souvent à l’aéroport, pour faire des courses. Il était très gentil. »

Ce qui est le plus triste, quand Nicole a été assassinée, c’est que mon beau-père n’a plus de taxi.

Quand une femme meurt, ou disparait, son visage se retrouve parfois sur des affiches à Maniwaki, ou enterré sous la terre de Juarez, quand une femme meurt, il a toujours des coupables, mais ils ne sont parfois jamais dénoncés, quand une femme meurt, ce qui est le plus triste ce n’est pas ça, ce n’est pas ça.

Le rire de Dana

mars 4, 2016

Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.

Dana deux - Lauren Parker Photography

Dana ne pleure pas pendant Paul à Québec.

Deux amies nous avaient prévenues : « Amenez des mouchoirs. Le lendemain, quand nous sommes allés cueillir des pommes, nous ressemblions à deux filles qui avaient fêté toute la nuit, avec nos yeux gonflés et rouges. »

Dana, assise à côté de moi, ne bronche pas. Elle rit quand je m’étouffe chaque fois que je pense au raton laveur, elle rit surtout parce que je ris exagérément.

Quand nous sortons du cinéma, elle me dit que ça faisait longtemps qu’elle n’y était pas allée, et que c’était triste comme film mais pas vraiment triste, puisque des gens qui meurent moins bien entouré que le beau-père de Paul, elle en voit souvent, à l’hôpital. Ou en Roumanie. Son père, brûlé. Et le dictateur, exécuté à bout portant par un soldat encore nerveux d’en parler. Le soldat confiait, il y a deux ans, que son grand-père, un prêtre emprisonné sous Ceausescu, lui avait dit que tous ses péchés, ceux d’avoir tué deux personnes qui n’étaient par armées, soit Ceausescu et sa femme, tous ses péchés étaient pardonnés.

Dana se souvient des discours de Ceausescu, des applaudissements, puis des huées. Des insultes lors de l’exécution, télédiffusée. Elle se souvient aussi de l’uniforme qu’elle portait, fièrement. Il était beau, l’uniforme, et les écussons sur son gilet.

Nous marchons ensemble, et je sais que nous pourrions marcher longtemps ensemble, en placotant, ou en silence, parfois le silence est inconfortable, mais pas avec Dana, Dana elle connait la fatigue, la patience, nous pourrions marcher sans rien nous raconter, juste heureuses d’être sans garçonnet dans les bras ou au sein, juste nous, sans les enfants, sans nos hommes, nous dans le noir, près du jardin botanique.

Dana se rend souvent au jardin pour tricoter. Le tricot lui permet de ne penser à rien et de faire des pantoufles aux couleurs de La Reine des Neige. Depuis qu’elle est toute jeune, elle aime les activités qui demandent des mains minutieuses. Elle fait de l’origami, des centaines d’oiseaux en papier japonais, des oiseaux rappelant la légende des mille grues.

Cette légende raconte que si mille grues sont pliées en un an, et qu’elles sont retenues par un lien, une cordelette, un fil de pêche, si les mille grues sont liées entre elles, en un senbazuru, nos vœux de santé, de longévité, d’amour ou de bonheur seront exaucés. Il est recommandé aussi de fabriquer le senbazuru pour une personne en particulier, et de faire une prière pour chaque oiseau de papier terminé.

La légende a ainsi inspiré Sadako Sasaki, une jeune fille leucémique suite au bombardement de Hiroshima. Elle est morte, après avoir plié 644 grues. Ses camarades de classe ont achevé son travail. En 1958, le monument de la paix des enfants a rendu hommage au labeur de Sadako Sasaki, victime de la Deuxième guerre mondiale, et de ses camarades de classe : le monument immortalise Sadako, tenant une grue en or dans ses mains.

Au bas du monument, ces phrases: « Ceci est notre cri. Ceci est notre prière. Pour construire la paix dans le monde. »

Dana ne crie pas, je ne sais pas si elle prie, et elle ne pleure pas pendant Paul à Québec, mais quand elle se sent touchée par quelque chose, ça la gêne parfois, et alors elle va camoufler sa gêne dans un rire, étouffé, ou un rire en cascades. Dana ne rit pas que du raton laveur dans Paul à Québec ; elle rit quand on lui dit qu’elle a de belles jambes, de beaux sourcils, elle rit quand elle dit qu’elle n’a pas eu de gâteau pour son anniversaire.

Dana devrait toujours avoir un gâteau pour son anniversaire. Et des colliers choisis par sa fille.

Fellation, prénom de chat et tromperie

mars 3, 2016

portrait

Je suis chez mes beaux-parents et ça c’est l’image qui orne le mur à côté duquel je tente de dormir sans m’imaginer être observée par un pervers.

Je suis chez mes beaux-parents et je pense aux moments marquants de ma relation avec mon mec. Fellation, prénom de chat et tromperie. À lire sur Canoë.

Extrait : « Ça m’a donné un coup parce que je l’aimais encore, et quand je l’ai entraîné aux toilettes pour le sucer, c’était pour lui dire pardon et lui dire que je le désirais encore, en moi et dans ma vie. »

Frida Kalho inspire Bordelle

mars 2, 2016

Frida Kalho 1

J’aime toutes les collections de Bordelle, une marque de lingerie qui se veut mémorable, expérimentale, provocante. Mais je trouve vraiment superbe leur plus récente collection, inspirée de Frida Kalho. Les couleurs y sont envoûtantes et l’idée même de Frida Kalho comme égérie pour de la dentelle renvoit à un besoin de liberté, d’un carcan à redéfinir et de passion dévastatrice.

Frida Kalho 3

Frida Kahlo 2

Anne a un visage de chat

mars 1, 2016

Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.

Anne

J’avais oublié son adresse ; je pensais m’en souvenir juste à regarder les fenêtres et les portes sur la rue de Lanaudière. Elle avait mal coupé les rideaux de sa chambre. Je croyais être capable de les deviner. J’avais tort, j’étais entrée chez quelqu’un d’autre, puis j’avais trouvé.

Je suis toujours en retard quand nous nous donnons rendez-vous. Anne a deux enfants, une robe à acheter pour avoir une robe le jour de son anniversaire, des futures mamans dont elle suit les nausées et les questions sur quel jus à prendre pour donner envie à l’enfant de danser la macarena, trois contrats, des photos de seins sur son cellulaire, un conseil d’administration, un maillot de bain à chercher chez une copine, des photos de fesses sur son cellulaire, du Baileys à avaler, une ferme à acheter, un amoureux, une lasagne pour dix à commander, des soirées karaoké et une boisson énergétique au congélateur, tout ça, mais elle n’est jamais en retard.

En compagnie de son fils, elle a sorti des œufs, des bananes, de la farine et des pépites de chocolat. Elle l’a laissé écraser et mélanger. J’étais en face d’eux, assise au comptoir, je les regardais, je regardais une danse, une mère et son fils qui s’échangent des verres de jus, une grosse cuillère de bois, une coquille d’œuf. Son fils est parti courir de sa chambre à la cuisine, de sa chambre au salon, de sa chambre dans mes bras. Anne, elle, a mis le gâteau aux bananes au four.

J’ai des amies qui ont mille vies et parfois j’ai l’impression de leur en demander plus, avec ma vie, qu’elles avec leurs nombres incroyables d’autres vies. Anne, elle ne demande rien. Elle dit quand elle s’ennuie. Elle demande du vin si j’en prends. Elle demande si je veux voir les photos de seins sur son cellulaire, et je dis que non, gênée, mais que mon chéri appréciera, et Anne et mon chéri rient et jugent et regardent des photos de seins, jusqu’à ce que mon chéri se lève pour un autre verre de vin, et qu’Anne vienne me murmurer ses craintes ou ses rêves ou ce qu’un photographe amateur de Fight Club lui écrit sur son joli minois félin.

Anne m’a déjà dit qu’elle voulait se marier dans une robe de la boutique Scandale, mais cette boutique n’existe plus. Elle dit aussi qu’elle ne sait pas si elle peut aimer toute une vie ou juste deux ans ou dix ans, elle n’a jamais eu l’air très certaine, même amoureuse, même grosse parce que les stérilets ou la pilule ça ne fonctionne pas sur les amazones, elle n’a jamais eu l’air très certaine, même si elle le souhaite pour d’autres, mais maintenant, maintenant qu’elle est avec un ours, son cœur libre a l’air libre avec un homme dessiné pour elle, un homme indolent, qui trouve des lettres d’amour sur un trottoir et qui raconte des histoires d’écureuil tué par erreur, sur une clôture en banlieue.

J’ai déjà pensé qu’Anne ne m’aimait pas.

Quand je l’ai connue, avant le gâteau aux bananes, son auto défoncée dans le quartier gai, le costume sexy de Jasmine enfilé dans son appartement, et ses inquiétudes pour moi quand j’allais faire des adieux à un homme dans un parc près de chez elle, quand je l’ai connue j’avais presque peur d’elle.

Je ne connais peut-être personne de plus faussement terrifiant, de plus doux, de plus tranquille même dans des sables mouvants, Anne veut tout, je crois qu’elle veut tout, mais elle veut surtout profiter de tout ce qui lui est offert, et j’aime quand elle me guide, dans une de ses vies quand la mienne la croise, sur un quai, à écouter, la nuit tombée, and thieves will sneak into your mind/ when you love too much/to make you believe you’re missing something.

Marilyne ne vend pas de la limonade

février 26, 2016

Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.

Marilyne

Avant elle habitait à moins de deux minutes de chez moi.

Nous aurions pu nous souffler des baisers avant de dormir. Nous aurions pu boire un café ensemble tous les jours. Nous aurions pu promener son chien dans les ruelles de Rosemont, nous aurions pu projeter de faire des murales ou de vendre de la limonade, nous aurions pu courir avec des sucettes plein les poches, convaincre mes enfants que nous étions des sorcières wicca, commencer une fanfare pour terminer tout ça par une partie de Pac-Man à la Succursale.

Je regrette, et je regrette si peu de choses, mais je regrette de ne pas avoir dessiné un cœur sur sa main, de ne pas lui avoir emprunté son fer à friser, et Marilyne, elle ne m’en veut pas, mais je suis sûre qu’elle aussi, elle nous aurait imaginé offrir de la limonade au gérant du Gariépy.

Elle a déménagé, un cœur brisé, éclaté contre les murs de son appartement, en petits morceaux, il l’avait frappée, son amoureux l’avait frappée et elle en avait les marques autour du cou et ailleurs.

Quand je l’ai revue, c’était à mon anniversaire. Elle était à côté de moi, à table, je venais de coucher les enfants, ou j’en avais un sur les genoux. Marilyne a parlé de son ventre vide. Elle était certaine qu’il resterait vide, et elle ne l’avait pas voulu ainsi, elle l’avait imaginé avec des batailles entre jumeaux, occupé, elle avait imaginée son ventre plein, ou au moins sa maison.

Elle aurait eu une maison et six enfants. Des enfants qu’elle aurait portés ou des enfants qui ont besoin d’une famille d’accueil, les enfants ont besoin d’une Marilyne, d’une femme-fée, capable de raconter des histoires de rue très sombre, et des histoires lumineuses de glace à la noix de coco.

Mais pas de girafe, elle n’aime pas les girafes.

À mon anniversaire, elle parlait qu’elle savait, qu’il resterait vide, son ventre, et qu’elle apprenait à l’accepter. Elle n’avait pas l’air triste. Elle avait ving-cinq ans, je crois, et elle n’était pas triste, elle avait l’air étrangement certaine de tout ça, que ça ne se reproduirait pas, de trouver un homme qu’elle aimerait et qui l’aimerait et qui se laisserait aimer, aimer assez pour avoir les mêmes rêves et les mêmes joies qu’elle.

Quelques années ont passé, Marilyne a toujours un tatouage qui n’est pas terminé.

Elle a aussi une myrtille dans son ventre.

La femme au pantalon de corduroy

février 25, 2016

Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.

pantalon rouge

Le 22 février, j’allais chercher ma fille à son école, accompagnée par mon fils. Il tenait une peluche chèvre dans une main, nue, ses mitaines dans le sac que j’avais sur le dos.

Une femme anonyme marchait devant nous, sur un trottoir partiellement enneigé. Un homme bloquait sa trajectoire, il avait stationné son véhicule sur le trottoir. Une boite dans les bras, il lui a dit quelque chose, en souriant, apaisant et contrit.

J’ai deviné qu’il s’excusait et qu’elle n’y voyait rien de mal, à marcher dans la rue, à sortir de sa ligne droite. Elle lui a probablement souri. Il y a des femmes comme ça, qui ne s’indigneront pas pour un véhicule sur un trottoir, cette femme-là n’avait pas une démarche à s’indigner pour une broutille, elle avait une démarche de papillon.

Mon fils, lui, a trouvé que le véhicule n’avait pas sa place sur le trottoir et il a fait semblant de cracher dessus : « Méchante vroum ! vroum ! »

Nous avons dépassé la passante. Je ne me suis pas retourné pour observer son visage. Mon fils a ouvert la porte de l’école. Puis la passante est arrivée à notre hauteur. Elle s’est exclamé qu’elle portait exactement le même pantalon que mon fils : « Des pantalons rouges ! En corduroy ! Comme lui. Ou comme elle. Comme lui, elle ? »

J’ai vu son visage, ses yeux gais ce jour-là. J’ai approuvé, surprise parce que je ne connaissais plus personne sauf mon fils et mon amoureux qui portaient un pantalon en corduroy.

– Ce sont ses pantalons de pompier.

La femme a renchéri : « Je porte ces pantalons juste quand je suis heureuse. Je les porte à Noël, à la Saint-Valentin, et maintenant, parfois, comme aujourd’hui. »

Mon fils l’écoutait, et moi j’étais heureuse d’avoir rencontré cette femme, une femme qui portait des pantalons en corduroy, alors que plus personne n’en porte, sauf mon fils, mon amoureux, et cette femme chaleureuse, porte-bonheur.

Anouck mange des tartes choco-poire

février 23, 2016

Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.

anouck

Anouck marche devant moi, dans son manteau bleu. Ses cheveux auburn sont attachés, mais quelques bouclettes s’échappent de sa couette. Nous nous arrêtons devant un appartement dont la fenêtre, énorme, nous laisse voir des centaines de livres empilés l’un sur l’autre, des livres qui semblent sortir d’un film d’Indiana Jones, à l’allure de parchemins secrets, poussiéreux.

Je prends en photo Anouck devant la fenêtre, me pointant une statuette de la Vierge Marie. Sur la photo, Anouck a son sourire de gamine. Anouck a un sourire de gamine qui vient facilement, qui n’est jamais forcé. Elle peut parler de tout ce qui est resté chez ses ex, et qu’elle ne retrouvera pas, et garder le sourire. Elle peut parler des morceaux de ouate que les mannequins mangeaient quand elle marchait pour Jean-Paul Gaultier à Paris et garder le sourire.

Anouck, elle, ne mangeait pas de morceaux de ouate.

Nous nous interrompons sans cesse, Anouck et moi, parce que nous parlons toujours de l’une ou de l’autre, de ce qui nous touche, des maux de dos de son père, de l’enfant que j’ai dans mon ventre, quand nous marchons, ensemble, elle dans son manteau bleu, moi dans un manteau rouge que je ne tente plus de boutonner.

Nous partageons des nachos et buvons du thé vert au Laïka, puis nous nous rendons dans une boutique kistch. J’achète un Playboy vintage et je crois qu’elle achète un jeu de cartes de femmes toutes nues pour son frère, ou elle pense l’acheter, puis se ravise, certaine qu’il serait gêné. Nous essayons des chapeaux et des boucles d’oreilles à pinces.

Anouck, c’est une amoureuse, et tout l’anime, tout joue à l’animer, les chapeaux, les bijoux, les foulards à motifs de flamands roses, les jeans sans poche sur les fesses, ou c’est elle, c’est elle qui réussit à rendre tout plus vivant.

Elle prend le vrai à bout de bras, comme des étoiles à distribuer dans la rue, pour tout le monde, elle veut embrasser ses amies, danser, faire grincer le lit, tant pis pour les murs trop minces, elle veut être là, et je suis là, je veux être là pour elle, pour ses secrets, ses peurs et ses sourires de gamine.

À son mariage, elle porte une robe blanche, un ventre rond et elle mange une pointe de tarte choco-poire et maintenant, toutes les tartes choco-poire goûtent l’amour ou les célébrations, elle est comme ça, Anouck, magique.

Geneviève n’est plus une fille populaire

février 18, 2016

Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.

Geneviève B

Elle mentait sur tout. Elle disait qu’il y avait un cerisier et un poirier chez elle. Elle disait qu’elle avait déjà participé au Village de Nathalie. Elle disait qu’elle était abonnée au 7 jours. Elle disait qu’elle vendait de la drogue et qu’elle la cachait sous les calorifères du Collège St-Jean Vianney.

Geneviève mentait pour les autres aussi. Quand je disais que je ne fumais pas, elle m’interrompait et expliquait à une copine plus dégourdie que je fumais mais que je ne pouvais pas le faire près de mes frères, pour ne pas qu’ils révèlent mes actes de petite rebelle de quatorze ans à mes parents. Elle racontait aux garçons que je créais des colliers et leur faisais admirer ceux que je portais. Elle cessait de me vanter dès qu’ils montraient leur approbation.

J’étais en jeans à pattes d’éléphant, avec un t-shirt Calvin Klein et un collier de perles multicolores. Je la regardais puis je regardais le garcon qu’elle venait de me présenter et je ne protestais pas. Je mentais aussi. Je voulais tous ses amis. Je voulais rester son amie.

Je voulais que nous continuions à nous faire bronzer devant le garage de ses parents, à enregistrer les vidéoclips de Moist, à vendre des hot-dog pendant des tournois de baseball, à parcourir les allées du Dollorama des Galeries Rive Nord, à prendre des cours de sauvetage ensemble. Elle serait Pamela Anderson et je serais la fille plate qui doit toujours se moucher avant d’aller sauver une mouette dans une piscine hors terre.

Elle disait aussi que le jus d’orange avec du tylénol écrasé et de la vodka, c’était parfait pour des soirées au parc des Moissons.

Puis elle a perdu ses amis. Elle a cessé de manger à seize ans. Elle empruntait les fiches Coup de Pouce de sa mère et elle me concoctait des collations et des repas. Du pain pita grillé avec des concombres et mille herbes. Un gâteau trois étages. Elle me regardait manger. Elle me parlait d’un petit ami que je ne connaissais pas et qui avait retiré son chandail dans le salon de ses parents.

Geneviève ne mentait pas toujours.

Elle ne m’a rien dit de plus sur son petit ami que je ne connaissais pas. Il n’était plus son petit ami. Je n’ai jamais demandé si d’autres garçons avaient retiré son chandail dans le salon de ses parents. Elle n’avait plus bonnets C et elle était seule avec sa jupe de collégienne et ses chemisiers trop larges, quand elle n’était pas à faire des sauts de biche dans sa cuisine.

Elle est restée petite. Elle a trois enfants, une pâtisserie. Pas de compte Facebook. J’espère qu’elle est heureuse.

Geneviève achète des philtres d’amour

février 16, 2016

Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.

Geneviève

Avec ma veste boutonnée en jalouse et la morve séchée à mon nez, j’épiais en compagnie de ma cousine les amoureux qui s’embrassaient devant la maison de vacances de mes grands-parents.

Ma cousine, je dormais avec elle, dans le même lit qu’elle, parce qu’aucune de nous ne voulait se coucher en haut dans son lit superposé, sauf si c’était pour lire L’Herbe bleue, des Seventeen ou des Mademoiselle, des magazines pour jeunes filles, conservés par sa mère, pendant des années. Je prenais mon bain avec elle, je tuais accidentellement des papillons avec elle et nous les enterrions, sous les feuilles mortes de l’automne, dans une forêt proche d’une maison brûlée par le Temple Solaire.

Geneviève était une Boucle d’or frondeuse, amoureuse de Charlie Chaplin, et nous étions surtout les filles de nos mères, fières, sages juste pour dessiner des chiens, prêtes à se couvrir de parfum de designer mais prêtes aussi à ne pas se raser, parce que ma cousine, elle trouvait que ça faisait gravement Shirley, de se raser.

Shirley, ça vient de son séjour en Colombie-Britannique, à Prince George.

Nous étions aussi très fortes pour inventer des chansons scatologiques la veille d’un jour de l’An, parfaites pour embêter la famille attentive à un Bye Bye des années 90. Nous nous partagions le monde, chacune cent pays, et nous étions les reines de plein de royaumes, des royaumes imaginaires, où Barbie achetait des boites de condoms et où Skipper se faisait avorter avant un bal style Carrie de Stephen King.

Elle se souvient de mes chandails de chat et elle garde comme une menace les pires photos de moi. Je me souviens de ce qu’elle souhaitait pour Noël : des poupées de collection ou de l’argent à donner à un refuge pour femmes battues. Je me souviens aussi du chevreuil qu’elle a commandé au restaurant Le Petit Poucet, et de ses amis qui nous aspergeaient d’eau.

Nous n’étions pas habillées en blanc et j’avais une grosse culotte, mais c’était sexy quand même. Après, elle était montée à la salle de bain et s’était enfermé sous la douche avec un de ses amis. Nous avions aussi bu une bouteille de philtre d’amour, quatre verres de potions magiques pour quatre personnes qui ne se ressemblent plus du tout maintenant.

Il y avait un bonzaï géant dans la maison de ses parents. Et un chien qui s’appelait Lupin.