Il me sentait inconfortable quand on baisait. Il m’a demandé si ça allait.
– Tes couilles me piquent.
Ça ne l’a pas fait débander. (Mais quand je me suis étouffée dans ma salive en tentant de lui dire oh oui c’est bon, il a un peu débandé.)
J’ai rejoint mon frère dans une robe que j’aurais dû repasser avant de l’enfiler pendant que mes enfants dévoraient des croquettes de faux poulet.
Nous avons bu du champagne, trop rapidement, et j’avais l’impression que c’était un sacrilège.
Quand le spectacle Elvis Experience a commencé, mon frère a texté un ami qui était à Las Vegas, il lui a dit que lui aussi, il y était. Et c’était tout comme. Martin Fontaine, qui incarne Elvis lors du spectacle, est impressionnant, et tous les musiciens et choristes derrière lui aussi. Je me suis demandé s’il couchait avec ses groupies.
-Ça sent comme dans l’entrée de la section des parfums au La Baie.
-Je pourrai confirmer à ta blonde que tu étais vraiment avec moi, pas avec cinq madames.
Pendant l’entracte, j’ai annoncé à tout le monde qui faisait la file pour les toilettes que je voulais trouver un costume bleu pastel d’Elvis pour mon fils. Un homme est allé rejoindre une femme qui venait de complimenter ma robe pas bien repassée. Il lui a montré le foulard du King. Une autre femme a raconté qu’assis près d’elle dans le théâtre, il y avait deux femmes qui avaient déjà assisté au spectacle d’Elvis, à Cleveland et Las Vegas. Elles étaient prêtes à être hyper critiques, mais elles adoraient Martin Fontaine.
Pendant le spectacle, sur les écrans vidéo, je regardais le vrai Elvis et j’ai confié à mon frère qu’Elvis, c’était un mixte entre lui, mon petit frère tout propret, et Justin Trudeau.
-Avoue, il a vraiment de quoi de Justin Trudeau ! C’est sûr que je ne suis pas la seule à trouver ça.
Nous avons dansé un peu et j’étais vraiment heureuse, parce que je ne m’imaginais pas rester assise tout le temps.
Après le spectacle, mon frère s’est fait filmer et il a avoué à la caméra qu’il ne connaissait pas Elvis, mais qu’il avait écouté des chansons sur Spotify juste avant de venir au théâtre St-Denis. C’était parfaitement déplacé. Il a tout de même reconnu que Martin Fontaine était génial, et je suis d’accord même s’il ressemble moins à Justin Trudeau que le vrai Elvis Presley.
Ma chronique Canoë est sur la tendance à juger les femmes qui offrent leur nudité pour rien, parce qu’elles le veulent, sans qu’une agence publicitaire ou un producteur de porno leur demande.
Extrait de Nudité Menaçante : « Le corps des femmes, lorsqu’il est consommé dans la pornographie ou la publicité, est accepté. Montrer son corps, toutefois, peu importe la raison, que ce soit vraiment parce que Kim Kardashian n’avait rien à se mettre ou parce qu’il est plaisant de voir ma frange de Bettie Page imprimée sur des pages lustrées, est inacceptable et dangereux pour la jeunesse d’aujourd’hui et pour l’avenir de la planète et du Manoir Coors Light. »
Bonne lecture et bon weekend y’all !
Le 8 mars, journée internationale des droits de la femme et des débats insupportables sur le véritable nom de cette journée, le 8 mars et les luttes, le 8 mars et « la solidarité et la compassion comme approches radicales », tel que proposé par Anick Desrosiers, le 8 mars et toutes les femmes.
J’aurais aimé vous parler de plus de femmes, de Daniella et ses jupes, de Geneviève qui n’a pas pu être psychologue, de Josée Yvon, de Marie et son besoin de silence et d’un langage nouveau, de Christiane et d’une chasse aux trésors, d’Émilie et de sa cachette sur un terrain de golf, de Dominique et de ses muffins au chia et des photos oubliés chez son ex, d’Aimée et de ses mouvements envoûtants de danse, de Josée et des numéros de téléphone sous une semelle de souliers, de Tracy Quan, de Vania et ses plaisirs, de la dame à l’arrêt d’autobus, rouge au lèvres, qui me parle de son futur petit-fils, de France, ma marraine, et de notre correspondance interrompue, de Sandrine et ses chansons, d’Evelyne et des objets à époussetter, de Sandrine et ses compromise et ses souvenirs de plage, d’Alice Munro, de Gwen et les questions à sa fille, de Chelsea Handler, d’Élisabeth Badinter, d’Amélie et de ses accouchements, de Joanna Angel, de Marie-Hélène et sa confiance et ses mots, de Karine et des robes qu’elle fait selon les dessins de ses élèves, d’une autre Karine et de sa maison comme une chambre à soi,de Stéphanie St-Amant, d’Anne-Marie et de son visage sculpté dans la résilience, de Magalie et de sa fête au Lo Dico, de Marcelle et des leçons de piano qu’elle me donnait.
Merci d’avoir lu ma série de portraits.
Je vous propose d’autres lectures, dans un ordre hasardeux, d’autres lectures sur les femmes et leurs droits et leurs luttes et leur corps, leur corps qui leur appartient toujours, qu’elles choisissent de vendre une heure d’affection, d’accoucher à la maison ou à l’hopital, de manger leur petit déj toute nue, leur corps, toujours, devant un miroir, ou jamais devant le miroir, le corps que nous habitons et qui nous est nié, nous ne sommes pas qu’un corps, mais nous nous retirons trop souvent hors de lui, nous ne sommes pas que des seins, un sexe, des jambes, des cheveux, je ne suis pas qu’une jument sauvage, mais par souçi d’être totalement qui je suis, je veux et j’occupe mon corps, consciemment, et le proclame, le 8 mars.
1.Je suis pizza, par Corine Lespérance.
2.Women in the porn industry need rights and proper pay, not token gestures, par Zahra Stardust.
3.On a listé les pires initiatives pour la journée internationale des droits des femmes, par Carole Boinet.
4. International Women’s Day, par Ann Montgomery.
5.10 female revolutionaries that you probably didn’t learn about in history class, par Kathleen Harris.
6.60 stunning photos of women protesting around the world, par Emma Gray et Damon Dahlen.
7. Why we smile at men who sexually harass us, par Hanna Brooks Olsen.
Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.
photo: Myriam Lafrenière
Elle glisse : « Les vers de terre en jujube, c’est long comme les pénis. » Je lui demande de répéter et elle répète et elle rigole, pendant que je fais pareil. Elle me demande ensuite de la regarder et elle danse, et je devine qu’elle tente d’emprunter des mouvements à notre vidéo préférée, un extrait du Petit musée de Velasquez, elle aime les bras qui bougent vite, elle aime les jambes qui bougent vite, et elle aime tomber et se relever, et elle me montre comme elle tombe, et je la trouve belle, je la trouve belle de précipiter et d’aimer les chutes, et de se relever, pour faire une révérence et une grimace.
Elle me demande souvent de la regarder, et je la regarde et quand je ne la regarde pas, je regrette mais je me dis aussi qu’elle doit être seule parfois, seule à se regarder dans le miroir, seule pour inventer des histoires, avec sa petite voix de dictatrice, cachée sous trois couverture et deux déguisements enfilés l’un par-dessus l’autre. Elle dit aussi : « Ce n’est pas grave si j’ai le rhume, l’important c’est que je me trouve belle. », déformant mes propos, déformant ce que je lui dis quand elle me demande si elle est belle.
Ma fille a la beauté d’une conquérante, la beauté imparfaite d’une chevalière qui combat des méchants loups imaginaires en robe de Cendrillon, elle n’aime pas les mensonges, elle demande toujours si c’est vrai, si c’est vrai que je mangeais la nourriture de mon chien, quand j’avais son âge, si c’est vrai que mon grand-père chassait les chevreuils, si c’est vrai que les raisins c’est bon pour le caca.
Elle demande déjà si souvent si c’est vrai qu’elle est belle, et je ne redoute pas encore le poids de ses obsessions, parce qu’elle est plus flamboyante que belle, impolie devant ceux qui ne se soumettent pas à elle, elle n’aime pas les câlins sauf ceux de son frère, ou les miens et ceux de son père, quand elle brise ses lunettes préférées ou qu’elle écoute Le Chant de la mer et qu’elle me fait jurer de ne jamais partir comme la mère dans le film scandinave, je lui jure de ne jamais disparaitre, et je me jure de ne jamais vouloir crever, pour elle, parce que même quand nous crions et claquons les portes, à quatre ans déjà, parce que même quand elle se refuse à moi, je sais qu’elle a besoin de mes dessins de pouliche, des morceaux d’ananas que je lui coupe, des berceuses, des secrets que nous nous disons, quand nous sommes sous la table ou au fond d’une garde-robe.
Quand elle s’ouvre à moi et qu’elle me dit un secret, le nom de sa planète préférée ou sa désolation de savoir que sa meilleure amie ne veut plus se marier avec elle, quand elle s’ouvre à moi la vie est parfaite, et je ne pourrais jamais vouloir crever, grâce à elle, grâce à mon arrache-cœur, comme son père l’avait surnommée, à sa naissance, mon arrache-cœur, ma conquérante, ma petite fée, mon oiseau, j’ai un collier, brisé, un collier que j’avais acheté pour elle, pour célébrer mon ventre qui s’arrondissait, c’est un collier avec une cage et un oiseau, parce que j’aime les oiseaux, mais j’ai brisé, en l’échappant, le collier, et il ne reste plus que la cage, l’oiseau, l’oiseau est libre, et cet oiseau représente bien plus ma fille qu’un collier à attacher, ma fille ne s’attache pas et ne se met pas en cage.
Elle dit aussi que le père de Jésus est un magicien et qu’il a tout créé, sauf les maisons, parce que les maisons, ce sont les humains qui les font. Quand elle parle, elle structure tout, sa pensée, la mienne, et elle termine, c’est vrai, c’est vrai maman, et tout est vrai, tout est vrai si elle le dit, je ne pourrai jamais lui dire qu’elle ment si elle ment, parce qu’elle réussit à tout rendre vrai, à tout rendre vivant, comme le père de Jésus, elle rend tout vivant, et ses jambes qui bougent vite, comme Louise Lecavalier dans Le petit musée de Velasquez, et ses bras bougent vite, et ses yeux cherchent les failles dans les miens, mais je garde la tête haute et je la soutiens, oui c’est vrai, Élisa, c’est vrai.
Avant elle était dans mes bras, elle y dormait, elle passait son temps contre mon cœur, et maintenant que parfois elle me boude, parfois je ne la regarde pas, parfois je redoute nos cris, maintenant, je vais la rejoindre, la nuit, et je dors près d’elle, une peluche en guise d’oreiller, et elle ouvre parfois les yeux, elle me regarde, étonnée, pose un bras sur mon bras, et nous dormons, et le lendemain, elle ne s’en souvient pas.
Elle ne se souvient pas de mon souffle contre son visage, quand elle dormait, et je suis déçue, car lorsque je dors tout près d’elle, tout est calme et paisible, et ça me semble racheter mes exigences, mes emportements, mes cris, injustes, et elle ne s’en souvient pas.
Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.
Dans un recoin de mon appartement, avec nos premiers enfants qui tentent leurs premiers pas, Marion me raconte qu’elle allait à l’église le dimanche toute seule, jeune adolescente en autobus, de chez sa mère à l’église, celle que lui avait fait découvrir son père, celle de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours.
Assise, le dos contre un mur, elle se rappelle qu’elle avait refusé d’aller voir American Pie avec ses copains du lycée.
Elle affirme sa foi et sa bonté tout naturellement, dans sa compassion pour les autres, ses appels à l’aide, son ouverture, nous parlons de tout, ensemble, même si elle ne peut pas écouter The Wolf of Wall Street parce qu’il y a trop de corps surexposés et de blasphèmes et même si moi, de mon côté, je crois fermement à Jésus et au pouvoir du grain de beauté sur mon sexe. Nous ne blâmons pas l’autre pour ce que l’autre n’est pas.
Si elle aime sans douter, elle doute encore trop souvent d’elle, ses yeux fatigués, ses yeux distraits, ses yeux admirant ses fils, ses fils à bicyclette, avec des chandails de super-héros, ses fils, l’un contre elle, tout contre elle, son fils koala, et l’autre qui se sauve des baisers, ses yeux sont doux pour le monde entier, mais durs lorsqu’ils s’abaissent sur elle.
Marion aurait besoin de dormir quatre-vingt heures, d’être bordée dans une couette chaude, qui sent les marguerites et les croissants et le chocolat chaud, mais elles n’existent pas encore, les siestes de quatre-vingts heures, alors Marion s’accroche et se répète que tout ira bien.
Tout ira bien, elle le prie et je le prie, tout ira bien car tout doit aller forcément bien, après le mal de se lever et de réconforter ses petits, après il y a des gâteaux et des pinatas à réaliser, des chants, la télévision en background, des décorations en carton en background, des concombres et des tomates sur le balcon, tout ira bien.
Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.
Sa peau est recouverte de tissu noir et de tatouages. Elle croit que les autres ne remarquent que ça, qu’ils la jugent, lui reprochent son choix de s’approprier sa peau comme d’autres n’osent pas le faire, sauf pour s’appliquer de la crème anti-cellulite.
C’est vrai que sa peau, c’est ce qui est le plus visible. Son amour pour Dean Martin, les cocktails de grand-père et la tartinade aux noix de cajou, c’est caché. Le lit de son adolescence, les égratignures sur son cœur, ce qu’elle n’ose pas se dire à elle-même et montrer aux autres, ses doutes sur tout, sa vulnérabilité de petite demoiselle perdue dans un labyrinthe, ça aussi, cachés.
Elle laisse les enfants dessiner sur elle, les miens et les siens, des crayons feutre et des crayons pour le maquillage, son corps avec la première lettre du prénom de ses filles, ses lèvres trempant dans un verre de vin blanc, pendant qu’elle attend, un autre coup de crayon, d’une couleur incertaine, sur ses joues ou sur une jambe. Nos enfants, déguisés en princesse, démon, super-héroïne, panda, méchant loup, nos enfants déguisés même sans costume, nos enfants autour d’elle, pour la conquérir.
Elle se sent seule trop souvent, ou plus incomprise que seule, les câlins elle les prend quand ils viennent, mais parfois, parfois nos bras se craignent, comme si l’enlacer pouvait donner sur une rupture ou une lutte, elle n’est pas seule, mais éloignée, elle revient les mains en dentelle, les égratignures sur son cœur imprimées partout sur ses paumes, dans l’ouverture de ses mains, il y a ses tremblements et ses craintes.
Ses tatouages, ce n’est pas pour être originale, ni pour crier qu’elle existe aux gens qu’elles croisent. Je crois qu’elle les a pour apprendre à se protéger, ses tatouages comme une armure, ou comme une caresse, à une peau qu’elle veut aimer, à un corps à elle, un corps qu’elle se construit comme un château de cartes qui ne s’écroulera pas.
Tu ne t’écrouleras pas Valérie.
Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.
Elle est assise dans le lit de mon fils. Elle participe au délire des enfants : elle n’est pas assise dans le lit de mon fils, mais plutôt dans un bateau avec trois pirates et elle raconte des histoires de vomi.
Ma fille l’a fait répéter, impressionnée par tant d’interdits, elle veut entendre le mot, réentendre l’histoire, la garder en tête, pour la raconter à son père et se la raconter avant de s’endormir.
Myriam, en voyage, entre deux pays, a bu jusqu’à six heures du matin, avant de prendre un bateau. Elle avait un petit sac à vomi parce que la mer était trouble, c’était tempête, et son petit sac à vomi, comme celui de tous les autres occupants du bateau s’est vite rempli. Tout le monde était sur le quai et c’était grandiose, pour ma fille, d’imaginer une trentaine de personnes vomir en même temps.
Myriam a beaucoup voyagé, avant d’avoir des enfants et de porter des robes.
La grand-mère de Myriam devenait folle à chaque naissance, elle a eu huit ou neuf enfants, des décès, des enfants portés par les plus grands, alors qu’elle se reposait, perdue, destabilisée, dans un lit, à se réinventer un cocon ou à se rappeler son prénom.
La naissance de ses enfants a plutôt donné envie à Myriam de porter des robes.
Je l’ai connue en robe, dans sa cuisine tout aussi fifties que ses robes, j’ai connu Myriam alors qu’elle n’était plus sur un cheval en Italie, mais dans une cuisine ou dans un parc, ouverte à toutes les bêtises des gamins, gardant un œil sur sa tapisserie, demandant moins de bruit si elle se devinait une migraine, mais ouverte à construire des maisons en coussins, à offrir son chaton aux caresses de pompiers de deux et trois ans, à coller partout des personnages colorés, à laisser les billes glisser sous tous les meubles.
Elle concocte des cocktails en été, boit du scotch sous un parasol ou affalé dans un bean bag, retire ses robes pour son amoureux. Elle prend des photos et capte la tendresse dans tous les petits gestes, elle capte la beauté des miettes de bretzels sur une langue et des accidents d’autos en plastique, la sensualité de tous les tissus et brin d’herbes. Elle prend des photos et en a peu d’elle, et c’est dommage, parce que Myriam, elle est belle avec ses taches de rousseur et ses cheveux attachés ou détachés, et quand elle raconte des histoires pour enfants ou des histoires de champignons magiques, elle s’anime et devrait se retrouver sur mille photos.
Myriam n’a presque plus peur d’être sa grand-mère, sa mère, ou ses sœurs. Elle s’est mariée sur un coin de rue, a attendu des années avant de marcher sous la neige avec traineau et enfants derrière elle, et met du Gainsbourg chez elle, sans y penser, quand je viens la voir pour faire semblant de cuisiner des biscuits au chocolat.
Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.
Je me versais de la vodka et de la Red Bull sur les seins et elle faisait semblant de laper. Elle ne buvait que de l’eau, et ce qu’elle réussissait à laper sur ma peau. Nous dansions, nous nous touchions, nous demandions à un barman de nous prendre en photo avec des sucettes dans la bouche ou avec le chapeau et la casquette de tous les clients du Confessionnal.
Elle terminait la soirée seule sur le plancher de danse, collant, elle dans ses robes de chez Marciano, ses robes comme ses lèvres, rouges, goûteuses, pleines. J’étais effondrée, à penser à un taxi ou à mon mec qui venait de me ramasser trois fois sur le sol, mes talons hauts ne supportant pas mes envies alcoolisées de danser comme Beyoncé.
Stephanie, elle, à trois heures du matin, elle terminait seule sur le plancher, à danser comme dans un vidéoclip, et elle suivait chez lui son amoureux, celui qui refusait de lui dire je t’aime en français, parce que ce n’était pas vrai, alors il lui répétait dans toutes les autres langues possibles.
Nous avions le même manteau et des désirs identiques, nous n’étions pas embarrassée de nous raconter nos rêves, nos obsessions, les photos nues qu’elle avait déjà envoyées à son patron, et je n’avais pas besoin de vodka ni de Red Bull pour lui révéler à quoi je pensais quand je me touchais.
Nous dansions autant que nous pleurions. J’étais sa petite sœur, elle ma grande sœur, pendant près de deux ans nous nous sommes envoyés des milliers de textos en anglais et en français, et confié des secrets, les yeux rougis, le visage blême, la morve sur nos robes Marciano, he doesn’t like me, he says I’m perfect and I am, I really am perfect for him, but he does not want me, et je la serrais dans mes bras et c’était ma petite sœur, et le poids de nos tristesses étaient plus lourd que le poids des boucles que nous portions aux oreilles.
Pendant une période de nos vies, nous nous détestiions mais nous aimions l’autre, je l’aimais parce qu’elle était naïve, elle croyait que Madonna n’avait jamais subi de chirurgie, je l’aimais parce qu’elle était vraie, et qu’elle se relevait de tout, de se faire défoncer par des mecs qu’elle n’aimait pas, de ne pas se faire assez aimer par sa maman, elle se relevait de tout, des maux de dos, des journées de trente heures, de la mort de son chat, et elle ne se plaignait pas, sauf si nous étions seules, et que nous pouvions, dans le noir ou sous la lumière blafarde d’une salle de bain, la veille du jour de l’An, se révéler à l’autre sans que personne ne nous entende.
Nous nous sommes revues il y trois ans, sous la neige, ses cheveux, sous la neige, son visage, sous la neige, elle était belle, puis nous avons continué à nous écrire, parfois, son anniversaire en janvier, son nouvel amoureux, nous ne nous invitons plus à danser, je ne danse plus, puis la dernière fois que nous nous sommes parlées, j’étais seule dans la chambre de ma fille et Stephanie me disait qu’elle avait peur, quand nous nous sommes connues, nous avons connu aussi le même homme, un soir pour ma grande sœur, et plusieurs soirs pour moi, et cet homme-là, au téléphone elle m’a dit qu’elle refusait de penser à lui, et à ces années-là, he won’t have to find me.