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Valérie aime trop Elton John

février 9, 2016

Du 8 février au 8 mars, j’ai envie de vous présenter des femmes que j’aime. Chaque jour, pendant un mois, une femme. Un mois en attente de la Journée internationale de la femme, que cette journée signifie quelque chose pour vous ou non. Ces femmes, je les aime. Elles sont importantes parce qu’elles ont un prix Nobel ou parce qu’elles sont les premières avec qui j’ai joué à Alerte à Malibu dans ma piscine.

Valérie best friends t-shirt

Quand j’avais treize ans, je pensais que Valérie me détestait.

Nous mangions ensemble, je la regardais jouer au ping pong à la récréation et comparer son t-shirt Jacob à celui des autres filles de treize ans, mais je pensais qu’elle me détestait.

J’ai pleuré devant mon casier. Pleurer quand j’avais treize ans, c’était dramatique, c’était me retrouver dans une scène de film caricaturale. Parfois je trouve que mon visage est beau quand je pleure. À treize ans, c’était pas beau.

Et c’était pas vrai, finalement, qu’elle me détestait.

Nous sommes devenues amies. Je n’ai jamais compris pourquoi elle aimait tant que ça Elton John, mais j’étais vraiment heureuse d’avoir une amie qui avait le cd de Pink. Elle, je ne sais pas ce qu’elle n’a jamais compris de moi. Mes coups de pieds au parc. Mon idée que j’étais une vraie de vraie sorcière. Mon incapacité à bien ranger mes verres de contact dans l’étui prévu pour ça.

Certaines personnes sont toujours là. Valérie est toujours là. Avec des éclairs au chocolat homemade ou des drinks bleus trop forts. Même dans un autre pays, comme maintenant. Elle dit qu’elle ferait tout pour moi, « sauf de me promener à poils sur le toit d’un édifice en plein hiver montréalais en faisant la poule, ça je pourrais pas. »

Je lui dois un cœur, trois vies, mille nougats aux jujubes du Sucre Bleu. Je ne sais pas si j’arriverai à lui donner autant qu’elle m’a donné.

Quand elle est triste, je peux juste la prendre dans mes bras et ne pas lui répéter qu’elle est belle, parce qu’elle ne le croit pas toujours, et ce n’est pas important, se faire répéter tu es tellement belle, quand toi, tu ne le crois pas, et que c’est la Saint-Jean-Baptiste, à Repentigny, dans un champ, elle pleurait et je ne savais pas si elle avait bu ou non, je ne le sais pas encore, est-ce que tu avais bu, Valérie, elle avait marché toute seule, puis elle était revenue, et elle était tombée dans nos bras et elle pleurait et toutes ses amies et moi nous ne pouvions que lui dire qu’elle était la plus belle, mais elle le refusait.

La prochaine fois que tu pleures, je te dirai juste je t’aime ou I wuv you, comme sur les t-shirts de la Place Versailles, avec des chiots mignons et des anges.

Chaussettes et échardes dans le cul

juillet 2, 2010

En tentant de trouver une boutique qui vend des chaussettes Trumpettes, sur la rue Sherbrooke Ouest, je croise un mec pas rasé. Il me demande l’heure, puis il me dit qu’il vient tout juste de se réveiller : « J’ai trop bu hier. Tu veux aller prendre un verre avec moi? Tu habites près d’ici? » Il me serre la main, j’ai envie de lui dire que je ne parle ni français, ni anglais, mais il me fait penser à tous les mecs que je rencontrais, quand j’étais adolescente, wannabe gothique, et super naïve.

Trop gentille, à seize ans, les seins encore aussi petits que des piqûres de moustiques, je donnais le numéro de téléphone de mes parents à n’importe quel mec qui me disait que j’étais belle. Je me retrouvais ensuite en train de baiser dans une chambre, dans Montréal-Nord, pendant que dix amis de mon nouvel amant écoutaient un film porno dans la pièce à côté, ou je me retrouvais sur une table à pique-nique, des échardes plein le cul, derrière le centre commercial Place Versailles.

Je placote un peu avec le mec hangover, il me parle de sa maman et du montant de son loyer, puis je m’invente un faux nom, et un faux prétexte pour rentrer dans une boutique de savons bio. Après dix minutes à discuter avec une vendeuse des effets bénéfiques de la lavande et de la coriandre, je sors. Je me retrouve toute seule, sur le trottoir, et je n’ai plus envie de trouver des chaussettes Trumpettes, je n’ai plus envie de me comparer à celle que j’étais à seize ans. Je veux un skinny vanilla latte, me faire dire par mon papa et ma copine Pamela que mes robes sont trop courtes, et avaler un rhum et coca zéro, sans prier pour que la fin du monde soit rapide, sans savoir si demain j’aurai envie de me peser ou d’essayer une nouvelle teinte d’ombre à paupières ou de m’acheter des pasties en plumes de paon ou de m’inscrire pour faire du bénévolat à la SPCA.