Merci pour

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Je voudrais noter tous les jours le nom de mon amie qui a souri quand je lui ai dit que sa robe noire était jolie, la conversation de trente secondes avec l’homme devant le marché Poivre et Sel, je ne savais pas qu’il avait deux enfants, un garçon de seize ans, et une fille, ce n’est pas sa fille, mais tout comme, je voudrais noter tous les jours les mots des autres qui me font réaliser qu’il y a du beau, maintenant, et pas juste de la terre à retourner, à prendre dans ses mains, pour enterrer enterrer, je voudrais noter les empreintes de rouge à lèvres sur mes joues après un baiser de la libraire et la saveur d’un diabolo à la Brûlerie St-Denis.

Mais j’oublie. Ce que je n’oublie pas, en ce jour de l’Action de grâce, c’est ça. Merci.

Les amis qui répondent à mes courriels passés minuit.

Les encouragements. Les élans. Les gens qui reviennent vers moi, ma cousine que j’aime, ses pas de danse, sur scène ou devant mes enfants, dans un restaurant ou aux funérailles de mon grand-père.

fleurs tapisserie

Des fleurs à cueillir partout. Des pissenlits à souffler avec ma fille. Des bouquets de fleurs séchées depuis des mois, dans ma cuisine.

Des mains dans mes cheveux, moi qui déteste les mains dans les cheveux, sauf mes mains dans tous les cheveux.

Mes enfants. Les anniversaires qui ne sont plus pénibles. Mes enfants qui me donnent leur force, leurs caresses, ils me caressent avec des branches d’arbres et avec leurs mains si douces, même sans crème au beurre de karité. Ma fille qui me dit qu’elle aime être une fille parce que les filles savent s’essuyer comme il faut.

Ma mère, qui garde mes enfants cinq heures, sans me poser de questions, sans me demander ce que je faisais, pendant cinq heures, et après, mes enfants qui me laissent faire la sieste, ils vident ma garde-robe et essaient robes et souliers. Mon fils court en talons hauts. Ma fille aime mon costume de Minnie Mouse et elle veut que je retrouve celui de Blanche-Neige.

Le jeu de tic tac toe, sur un tronc d’arbre coupé, dans une ruelle de Rosemont.

Ce qui me fait rire. Les publicités de cornets à la crème glacée de licorne. Les lampes parfaites pour les fessées. Pleurer autour d’une table de conférence, avec une fille qui parle de selfie, et nous pleurons de rire, comme des gamines, nous avons douze ans ou treize ans pendant quelques secondes et quelques larmes.

La halte-garderie, mes enfants vont à la halte-garderie, une journée par semaine, depuis un an, et j’en profite pour vider ma garde-robe et essayer robes et souliers, moi aussi.

La mère d’une amie, qui aime mes robes.

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Les ombrelles du Quartier chinois.

Les cerises de terre, elles poussent devant ma maison et je ne le savais pas, avant la semaine passée.

Une voisine qui m’accueille sur son balcon et qui aime les orages, les cris, bouger ses pieds, ses mains, et les groupes Facebook de rencontres indignes. Une autre voisine qui marche des heures et préfère mes cheveux courts. Une autre voisine qui laisse un mot dans un livre que je lui ai prêté.

L’église près de chez moi, ses bancs, et le géant, qui y va presque tous les dimanches.

L’homme qui ressemble au Père-Noël et l’amour dans ses yeux quand il me parle de son amoureuse de 76 ans et du Stade olympique.

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La sangria blanche d’une amie. Et ses chocolats en forme de chat.

Marcher avec les enfants, avoir mal et craindre qu’ils s’ennuient, puis écouter la musique de l’OSM, avec mes enfants qui mangent des hot dog et qui sont plus heureux qu’au parc.

Mon mec qui écoute les chansons que j’aime, les chansons d’un soap américain.

Mon oreiller et mon vibrateur et une réserve de piles AA.

Les prières. Attendre. J’apprends à attendre.

Le shampoing sec et les tenues portées trois jours de suite. Mon coiffeur et mes talons hauts dans une cuisine collective. Et le rouge à lèvres les journées de fatigue.

Mes frères, je n’ai pas besoin de leur dire quoi que ce soit, ils sont là. Et je suis là, aussi.

Les travailleuses du sexe, obstinées, qui font fuck you à la honte, à la stigmatisation et aux mensonges. Amnistie Internationale et la reconnaissance des droits des travailleuses du sexe.

Delphine Bergeron. Parce qu’elle est une battante, d’une férocité et d’une douceur que je ne connaissais pas.

Les soap américains. Les émissions écoutées très tard le soir, en faisant des redressements assis, ou des photos topless, ou une épilation minutieuse de sourcils.

Mes enfants parce que tout ce que je fais, je peux me dire que c’est pour eux, et je suis prête à faire beaucoup, pour eux, pour que ce qu’il reste, un jour, ne soit que nougat et sauts dans un lit pour quatre.

La gentillesse. Parce que les gens sont plus gentils que le laissent croire les commentaires sous les articles du Journal de Montréal.

Les photos du fils de ma meilleure amie, ça me rapproche d’elle et de son petit homme qui aime parler de câlins en espagnol.

La musique de Will Driving West. Live à la Sala Rossa ou toute seule dans mon canapé.

Gemma Bovery

Les livres, que j’ai lus, ou qu’on m’a racontés, dans un bain, sous les couvertures, dans un autobus, à bout de bras, comme une promesse à tenir, toujours, toujours. Journal d’un étudiant en histoire de l’art. This one summer. Mon chien qui pue. Gemma Bovery.

Mon père et ses nouveaux rêves, de Toronto et de bicyclette.

Tous les nouveaux rêves.

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2 Réponses to “Merci pour”

  1. Jacinthe Says:

    Beau! Merci pour ce texte! xxx

  2. delfberg Says:

    Sweet pie! ❤ (-+

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