Je caresse le cul des clients dans un bar
Je m’assois devant le miroir, les jambes croisées, puis décroisées, légèrement écartées. Je vérifie si ma robe est trop courte et nécessite une petite culotte. Je décide d’enfiler une petite culotte lilas à pois blancs. J’hydrate la peau de mes pieds avec un crème intensive ultra légère de Sally Hensen. Je masse mes pieds et je mets une paire de sandales fabuleuses, offertes par la belle-mère de ma copine Élise, qui croit encore que je ne suis pas une vraie femme puisque je n’ai pas de permis de conduire.
Dehors, je n’ai pas froid, avec une veste en laine grise Guess par-dessus ma robe fushia, et je ne me retourne pas pour voir quel mec m’a sifflée, alors que je marchais près de la station de métro Square Victoria. Je rentre au bar Le Confessionnal, je caresse le cul d’un mec sans faire exprès, je marche en bousculant les gens, sans le vouloir. Ma sacoche dorée est trop remplie, j’y ai mis ma trousse de maquillage, le dernier Vanity Fair, un petit cahier noir, l’appareil-photo de mon frère Marky Mark, mon porte-monnaie à motifs de Bambis, une lime à ongles Revlon, un mini parapluie, et un guide pour adolescents conçus par les Témoins de Jéhovah, que j’ai retrouvé par hasard la veille.
J’aime le gloss et je me moque légèrement des enseignements des Témoins de Jéhovah
Quand j’avais quinze ou seize ans, j’avais fait un exposé sur les Témoins de Jéhovah, à l’école, et je m’étais rendue à une journée porte-ouverte, en longue jupe fleurie. J’y avais ramené ce guide bleuté, couvrant plein de questions essentielles comme Mes vêtements révèlent-ils ma véritable personnalité?, Comment savoir si c’est vraiment de l’amour?, Pourquoi refuser la drogue? et Comment rester maître de la télévision?
Alexandre Le Grand me retrouve au bar. Il commande une Hoegaarden et me dit que Gaspard devrait nous rejoindre bientôt : « Il est au bar du Marriot. Il parle de son chien à trois pattes avec la barmaid. » Je me remets du gloss Girl’s Delight de M.A.C., lentement, et je fais la moue devant le miroir du bar. Mes lèvres goûtent le caramel. J’adore.
Je prends le guide des Témoins de Jéhovah et je décide d’en lire un passage à voix haute : « La masturbation – Est-elle vraiment grave? La masturbation n’est pas mentionnée une seule fois dans la Bible. Dans les temps bibliques, cette pratique était courante dans les pays de langue grecque, et il existait plusieurs termes pour la désigner. Mais aucun d’eux n’apparaît dans la Bible. Puisque la Bible ne condamne pas explicitement la masturbation, faut-il penser qu’elle est inoffensive? Absolument pas! Bien qu’elle ne soit pas citée parmi les péchés graves comme la fornication, la masturbation est bel et bien une pratique impure (Ephésiens 4 :19). Les principes de la Parole de Dieu enseignent qu’on tire profit à résister résolument à cette habitude impire. – Esaïe 48 :17. »
Alexandre Le Grand retire sa chemise de ses pantalons. Je continue ma lecture parce que ça m’excite grave les trucs religieux : « Il n’est pas rare qu’on cherche à intensifier le plaisir sexuel par le moyen de fantasmes immoraux (Matthieu 5 :27, 28). En conséquence, si l’occasion se présente, on peut facilement tomber dans l’immoralité. Tel fut le cas pour un jeune qui a reconnu : « Je croyais que la masturbation était un moyen de calmer mon insatisfaction, sans avoir à toucher une fille. Pourtant, le désir de le faire est devenu irrésistible. » Il a commis la fornication. Rien d’étonnant que la majorité des adolescents qui se masturbent se livrent aussi à la fornicaion, selon une enquête menée aux Etats-Unis. »
Je me masturbe sans croire que c’est une souillure – je suis un être spirituellement très avancé
Je prends des gorgées de mon gin tonic, en observant la nouvelle barmaid, une brunette habillée en noir, avec une chaine toute déliquate, en argent, autour du cou. Elle questionne une cliente à lunettes larges de hipster, et la cliente ne lui répond pas, montrant son nouveau IPhone à une copine. Je fredonne la chanson Girl, You’ll Be A Woman Soon, et je regarde les bouteilles derrière le bar. Un mec m’offre un shooter de téquila, « La vie est belle. Et ta robe te fait vraiment bien. » Je lui souris. Je sais que mes yeux sont tristes. Je ne peux pas m’empêcher d’avoir des yeux tristes, même quand je m’amuse, même quand j’oublie le nombre de calories dans un martini aux pommes vertes, même, je crois, quand je me plaque un vibrateur sur le jelly bean.
Je reprends ma lecture, en soulevant bien mon petit livre bleu pour que les autres clients le voient : « La masturbation est une souillure sur les plans mental et affectif. Celui ou celle qui se masturbe complètement dans son plaisir sexuel, montrant un total égocentrisme. Le sexe devient alors étranger à toute notion d’amour; il n’est plus qu’un réflexe utile à la détente. Or, Dieu a prévu que les désirs sexuels soient satisfaits par les relations intimes, lesquelles sont une expression d’amour entre un mari et sa femme. – Proverbes 5 :15-19 »
Après je dis que j’ai très envie de manger une grosse assiette de macaroni et que je n’oublierai pas de me rendre à l’église ce dimanche. Alexandre Le Grand conclue que Gaspard ne viendra sans doute pas nous rejoindre, à cette heure, il a dû se prendre une chambre au Marriot, pour faire des trucs sadomasochistes avec sa barmaid préférée.
septembre 15, 2010 à 2:31 |
j’aime beaucoup tes seins sur cette photo 😉