J’ai déjà trouvé une photo de ma belle-fille que j’ai jugée troublante. Un selfie qu’elle a pris, caméra au-dessus d’elle pour montrer sa bouche en cœur, ses yeux qui se la jouent confiants et son haut de camisole. Je n’ai pas aimé ça. Ma belle-fille avait onze ans et elle reproduisait les photos que je voyais ailleurs, ou que j’aurais pu prise moi-même, mais c’est un angle que je ne maîtrise pas, je montre trop de front. Je lui ai demandé pourquoi ou pour qui elle avait prise cette photo. Je pense que je n’étais pas prête à cette conversation et que j’ai peut-être été trop brusque pour que ce qui en découle soit une conversation positive, où je l’aurais plus comprise, et où elle aurait pu parler sans se sentir piégée.
Ces photos existent. Les jeunes les voient, s’ils ont un compte Instagram, s’ils regardent les photos que les médias republient des stars du web ou des actrices en vacances. Si c’est troublant de voir un enfant vouloir reproduire ça, il faut être capable de lui expliquer pourquoi et d’où vient notre malaise, mais il ne faut pas dire « n’en parlons pas, ne fais jamais ça, c’est la solution », selon moi. Prendre une photo de soi et de sa camisole, c’est peut-être moins dangereux que les mélanges de Gatorade que ma cousine et moi faisions quand nous nous ennuyions au Mont Saint-Sauveur, jeunes adolescentes.
Vrak s’est défendu en rappelant que la chaine visait maintenant un public de 18-34 ans. Et c’est vrai que la chaîne change : ce n’est plus Bibi et Geneviève leur émission la plus populaire, comme à l’époque où ça s’appelait Canal Famille et que je rêvais d’avoir mille Oups, l’animal de compagnie de Stella de Robin et Stella. Vrak laisse place à des discussions sur plein de sujets dans différentes émissions : menstruations, masturbation, pilosité, etc.
Grâce à une publication d’une amie sur Facebook, j’ai pu suivre, constater et réfléchir aux problèmes en lien avec l’article sur les sexfies :
- Il manque un avertissement comme quoi c’est illégal de partager des photos de nudité complète ou partielle si tu es mineur.e. Quiconque le fait peut être accusé de distribution ou possession de matériel de pornographie juvénile.
- La photo montre une fille blanche et mince en lingerie sur son lit. Elle aurait pu montrer quelqu’un de moins conventionnellement type annonce de la Senza. Une fille plus ronde, une fille racisée, une fille avec un afro, une fille qui s’amuse devant son téléphone et non qui ne prend qu’une pose aguichante.
- Il y aurait eu beaucoup d’emphase sur la responsabilité de la personne qui se prend en photo, mais pas de rappel sur la personne qui la reçoit. Une personne qui reçoit la photo – que ce soit un ami, sa meilleure amie, son amoureux ou son amoureuse – a une responsabilité aussi.
- En lisant l’article on a l’impression que ce n’est qu’aux filles qu’il s’adresse. Pourtant elles ne sont pas les seules à pouvoir ou vouloir se prendre en photo comme ça.
Les réactions à la suite de l’article ont encore laissé place à la panique, comme chaque fois ou presque qu’on tente de parler de sexualité, image corporelle et adolescents.es. Ce qui revenait : « Un bon sexfie c’est pas de sexfie. » Mais les jeunes en font déjà. Est-ce qu’il y aurait une façon de mieux en parler? Oui. Mais sans qu’on les diabolise ou qu’on croit qu’en en parlant, on pousse tout le monde à en faire et à porter des talons hauts au lit? L’article ne montrait pas ça comme un rite de passage et insistait sur le fait qu’il ne fallait pas se sentir forcé.e. C’est comme la sexualité : à l’école j’ai vu des photos de plein d’infections transmises sexuellement pas traitées depuis des années. Ça m’a donné mal au cœur mais ça ne m’a pas donné l’idée d’attendre un autre siècle pour baiser. Les sexfies existent. Si on insiste que sur le danger, on s’empêche d’avoir une discussion qui pourrait être super intéressante sur le sujet.
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