Quand j’étais petite je voulais devenir vétérinaire et écrire des romans policiers et avoir la même voiture que Brandon Walsh dans Beverly Hills 90210. Adolescente, je voulais juste avoir des gros seins, connaître mon cycle menstruel à fond pour prévenir des accidents style jeans tachés de rouge, et devenir nanny dans un autre pays. Je m’imaginais bien me bourrer de chocolats suisses et reconduire un enfant unique à ses leçons d’escrime hebdomadaire dans la même voiture que Brandon Walsh, une Mustang décapotable jaune pâle.
Maintenant, je suis tellement typique américaine-bourrée-par-tellement-de-queues-qu’elle-ne-veut-plus-qu’être-soumise-et-fidèle et je rêve d’être une housewife parfaite. Vous devinez les ongles impeccablement vernis, les dents blanches, le sourire qui fait pas mal aux joues, les cheveux volumineux et brillants et lousses, jamais attachés, le tablier à motifs de cupcakes ou de carreaux roses et blancs, la chatte rose et douce, les plats qui sentent bons au four, les mains protégées par des gants pour laver la vaisselle, la lecture d’un manuel sado-maso et la lecture d’un patron pour confectionner soi-même ses rideaux, le dos arqué de manière suggestive pour passer l’aspirateur, la facilité à décapsuler une bière pour l’arrivée du chéri, de retour de ses heures de dur labeur au travail.
Pour la fête de mon Alexandre Le Grand, je voulais ça : me transformer en housewife des années cinquante, et chantonner toute la journée en faisant les tâches qu’il me faut être soûle habituellement pour faire. Passer l’aspirateur sans avoir bu deux verres de vin? Pourquoi? Comment? Je voulais lui cuisiner son souper, plier ses bas et ses caleçons, l’accueillir dans un appart qui sent le spray d’ambiance Bella Pella et les produits nettoyants. Le matin, je voulais le sucer pour le réveiller, mais c’était au-dessus de mes forces, je suis pas super éveillée avant mon jus d’orange et mon vingt minutes quotidien à lire La Presse. Je lui ai offert mon cul et il m’a baisée en cuillère, sans regarder le réveille-matin. Il a ri ensuite en lisant sa carte d’anniversaire, n’a pas voulu ouvrir son cadeau tout de suite, et il a déjeuné, et moi je suis retournée au lit, pour dormir encore une heure.
J’avais pris congé pour la journée, pas question de travailler le jour de la fête de mon chéri, ou le jour de ma fête, c’est comme quasi-criminel. J’ai fait le ménage en petite culottes bleues avec des flocons blancs et je suis partie rue St-Hubert, destination shopping La Vie en Rose, encore. J’écoutais de Justin Timberlake, les bras pleins de nuisettes à essayer et d’un pyjama pour Alexandre Le Grand. Il faut qu’il soit sexy lui aussi. Après trois ans de vie commune, son vieux pyjama brun, il craint grave.
Comme Alexandre Le Grand aime les imprimés style léopard et zébre, j’étais super contente qu’une nuisette chocolat et caramel, à imprimés animaliers en dentelle et en tissu pseudo soyeux, me fasse parfaitement. Une autre nuisette, vieux rose à jupettes style années 20, me donnait l’impression d’avoir vingt kilos en trop. No way, même soldé à 75%, j’achèterai jamais un truc made in India qui me donne pas la conviction d’être une déesse. Déesse comme dans pouffiasse de luxe bandante.
Je suis aussi allée chez un traiteur sauveur-de-vie : Queue de cochon. Je peux pas cuisiner, à part genre trois repas super gastronomiques : des rôties à la confiture de fraises, des sushis (ma fierté inexplicable) et du gratin dauphinois (grâce à ma copine Sarah Lee qui m’a copié la recette de Daniel Pinard). Je voulais pas essayer une autre recette, j’avais autre chose à l’horaire, comme genre me raser sous la douche et trouver de la musique qui s’accorde bien avec anniversaire et sexe, ni commander une pizza (j’aime la pizza, j’en mangerais tous les jours, mais Alexandre Le Grand vient de France, quand même, faut que je fasse un minimum d’effort pour satisfaire son palais). J’ai acheté un plat de gnocchis à la Florentine à foutre au four (j’ai appris encore une fois comment prononcer le mot gnocchi, vive ma prononciation bâtarde et pas trop classe).
À l’appartement, j’ai cherché avec quelle paire de souliers porter ma nouvelle nuisette. Même si Alexandre Le Grand aime pas trop (Carrie en portait dans un épisode de Sexe à New-York et il a dit ouh affreux), j’ai regretté de pas avoir acheté des petites pantoufles brunes avec des plumes dessus. J’ai fait le chaos dans la garde-robe, et j’ai finalement trouvé la paire de souliers de choix : des talons hauts cuivrés, tout simples, à bouts ronds.
J’ai fait un arrangement culinaire spectaculaire à l’aide de cure-dents et d’olives fourrées aux anchois, j’ai lu le dernier Us, mangé des crottes de fromages et bu deux-trois super shot d’Alcatraz Sour Apple, écouté du house chill, en attendant mon monsieur. Je me suis regardée les fesses dans le miroir, juré de me faire une nouvelle teinture bientôt et je me suis presque endormie sur le sofa, le visage dans mon Us. Quand il est arrivé, il était super heureux de me montrer la bouteille de cidre de glace qu’un copain au bureau lui avait offert. Je l’ai embrassé, j’ai chanté happy birthday comme une star platine et je l’ai frenché jusqu’à ce qu’il me prenne devant le miroir de la cuisine, une de mes mains appuyée sur la table et l’autre relevant ma nuisette, pour bien voir sa bite qui me défonçait, le jour de ses euh genre trente-cinq ans plus quelques années. Il a foutu les gnocchis au four et il m’a fait avaler son sperme avant le souper.
Je serai jamais une housewife digne de ce nom, pas ma faute, vraiment, ma maman m’a jamais appris à cuisiner et j’aime plus sucer pendant deux heures que de cuisiner pendant une demi-heure, mais pour célébrer un anniversaire, je suis hot, je pense.
Image by © Shift Foto/zefa/Corbis
Votre commentaire