Sarah Lee, c’est ma copine qui se rapproche plus de la position de future maître du monde, elle fait tout bien, elle fait tout point, bientôt une maîtrise, encore au travail avec double tâche de psychologue-intervieweuse auprès des collègues qu’elle aime bien, cuisinière attitrée, collectionneuse de livres d’enfants à donner aux rejetons de ses copines, voyageuse et artiste fuckée multi-disciples. Elle m’a écrit sa première fois, à partager avec vous, les chéris, soyez reconnaissants, elle est trop divertissante. Craquez comme moi.
« C’est le principe du prototype.
Quand j’ai cousu la poupée rock star, j’avais pas beaucoup du tissus qui allait servir à fabriquer les baskets, alors j’ai fait des prototypes dans du tissus laid.
Une espèce d’obsession de faire de provisions, de garder le meilleur pour la fin, de ne pas dilapider.
Alors, ma première fois, c’était un prototype. Je voulais que ça soit fait avec des vieilles guenilles.
Au cas où ça serait tragique, sanglant, ou humiliant ou whatever, comme tu dirais.
Je voulais pas être humiliée/en sang devant quelqu’un de vrai, de la vraie étoffe.
– C’était une erreur, je pense. Tu vois, Xavier a saigné une grande flaque dans mon lit, et il ne s’en est jamais ressenti: il trouve ça drôle, il n’a pas été humilié, je l’aimais quand même. –
Alors donc, un prototype. Rencontré un soir de février au Second Cup rue Saint-Denis, connu déjà de réputation.
Un type de la faction gothique, un peu paumé, et qui couchait avec toutes les hippies du Plateau. Il avait toujours sur lui un calepin noir avec juste des numéros de filles, dedans.
Je m’étais dit, dans la logique, du prototype, que si c’était raté raté raté, de toute façon il en baisait tellement qu’il s’en rappellerait pas.
Toujours dans la logique du prototype, j’avais décidé de ne pas perdre du vrai temps (en italiques, si j’en avais sur mon clavier) à perdre ma virginité avec un vieux matou de ruelle, j’avais décidé de sécher l’activité neige et de faire ça, donc, un mercredi matin.
Je suis donc arrivé, un mercredi matin de février, à 10h dans un 1 et demi miteux du Centre-Sud (c’est fou: je ne me rappelle pas de la rue…) et m’attendait là le vieux bum dans une robe de chambre sale, entrouverte, et une haleine du matin dégueulasse, aussi.
Il avait compris le concept du prototype, c’était parfaitement sans ambiguïté.
Il n’y a pas eu de sang. Pas du mien, en tous cas. Il y avait sur les draps (sales et élimés) une vieille tache, de vieux sang menstruel d’une hippie du Plateau, probablement.
Quand je suis rentrée, ça je te l’ai déjà raconté, il y avait une panne dans le métro, quelqu’un qui s’était tué ou qui avait tenté de. Dans mon obsession de la perfection déjà taille adulte, j’ai couché avec lui pendant quelques mois. C’était la misère, il avait pas le téléphone, on se crevait la faim; je vidais le frigo de la banlieue pour nourrir les pauvres du métro Frontenac. Il écrivait de la mauvaise poésie, je me souviens d’un truc qui commençait par: Comme un chat qui feule.
J’ai jamais compris comment il réussissait à entretenir cette réputation de baiseur extra, mais c’est peut-être parce qu’étant cantonné à son rôle de prototype, il ne se sentait pas l’obligation de prouver quoi que ce soit. Des fois j’arrivais chez lui, je cognais dans la fenêtre de son sous-sol crade et avant de me faire entrer, il laissait partir quelque hippie l’air assez repu.
Le punch de l’histoire, c’est que trois ans après que le prototype ait été achevé, il m’a appelé, un jour.
– T’as ouvert le calepin et t’es tombé sur ma page?
– Ouais.
J’y suis allée. Je venais je pense de vivre une défaite cuisante et je voulais refaire mes armes. C’était pas mieux qu’au temps où je séchais les activités neige, et je suis partie au beau milieu de la nuit, guérie et cynique, et je lui ai dit de rayer mon nom dans le calepin. »
octobre 27, 2008 à 2:13 |
Sarah Lee : c’était moins pire que ce que j’ai pu penser toutes ces années!
décembre 14, 2010 à 5:05 |
OMG! je suis sure de savoir c’est qui ce paumé-gothique!!